Situation de crise en Essonne. Le Conseil départemental a annoncé à des associations gestionnaires de structures pour personnes âgées son incapacité à régler les sommes dues au titre de l'aide sociale légale pour une partie de l'année 2015. Un échelonnement de la dette sur six ans est proposé. Refus catégorique des acteurs du secteur.
Ardoise de 108 M€ au Conseil départemental de l'Essonne
" Le Département de l'Essonne n'est malheureusement pas en mesure de procéder au paiement des factures actuellement en attente concernant votre établissement... ". Dans un courrier adressé, fin décembre, à des associations de protection de l'enfance mais également à des établissements médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées, François Durovray, Président du Conseil départemental de l'Essonne se déclare dans l'impossibilité de procéder au paiement de l'aide sociale légale pour une partie de l'année 2015 et propose d'étaler les versements sur les six prochaines années, avec les intérêts.
Supporter le poids de la dette du Département
La réaction des responsables du secteur ne s'est pas fait attendre. Dans un courrier adressé, le 12 janvier, au Président du Conseil général, plusieurs fédérations représentant les gestionnaires d'établissements (l'UNIOPSS, l'URIOPSS Ile-de-France, la FEHAP et sa délégation francilienne, UNA Ile-de-France) refusent ce principe de l'échelonnement. Selon elles, ce protocole revient " à demander aux gestionnaires d'établissements de supporter le poids de la dette du Département. Une telle option serait lourdement préjudiciable pour les associations qui ne disposent pas de la trésorerie nécessaire pour couvrir un tel délai, mais aussi pour les personnes vulnérables relevant de l'aide sociale et pour les enfants placés que les établissements pourraient ne plus avoir les moyens d'accueillir "
" L'aide sociale légale est obligatoire et ne peut être une variable d'ajustement des contraintes budgétaires que connaissent les départements ", insiste l'URIOPSS Ile-de-France. Invité à débattre, le 14 janvier dans une émission de la chaîne Public Sénat avec l'ancien et l'actuel président du Conseil départemental de l'Essonne, Jérôme Guedj et François Durovray, le directeur de l'URIOPSS Ile-de-France, Guillaume Quercy, a alerté sur l'effet domino de cette dette du département sur les structures et... leurs salariés. " Les associations demandent à être réglées pour les charges qu'elles ont à assurer (...) Elles ont des conventions collectives à respecter, elles doivent tenir compte de l'ancienneté de leurs salariés, maintenir les salaires et les formations ", a-t-il rappelé.
Le bras de fer est engagé. Les fédérations demandent à être reçues par le président du Conseil départemental afin d'examiner " les possibilités de résolution de cette situation très grave, mais aussi d'obtenir des engagements sur le paiement de l'aide sociale légale et des autres prestations en 2016 ". Les représentants du secteur comptent également soutenir les associations gestionnaires qui entendent engager des démarches auprès des tribunaux compétents, " le cas échéant en référé provision ".
Éviter la mise sous tutelle de l'Etat
Ce dossier a également pris une tournure politique avec un affrontement droite/gauche. François Durovray a mis en cause la gestion budgétaire de l'ancienne majorité : " Incapable de mener une politique d'économie, l'ancienne majorité avait mis en place un système de cavalerie. L'audit a révélé une situation grave : le budget voté était insincère car il ne correspondait pas à la réalité. Toutes les recettes étaient bien inscrites mais pas les dépenses. En clair, les crédits inscrits étaient sous-estimés de 12 millions d'euros par an environ et ne permettaient pas de payer les fournisseurs en fin d'année. Au fil des ans, la cavalerie a atteint la somme astronomique de 108 millions d'euros ", accuse l'actuel Président du Conseil départemental. Pour sa défense, Jérôme Guedj, ancien président (2011-2015) du Conseil départemental de l'Essonne a assuré qu'il n'y avait ni dette cachée, ni factures impayées. Sur Twitter, il parle même d'une " décision politicienne dégueulasse qui en dit long sur la considération pour ces professionnels et ces familles ".
La présentation et le vote du budget du département de l'Essonne seront organisés le 25 janvier. "Nous allons donc voter 20 millions d'euros en 2016 pour payer les dépenses sociales de cette année et 15 millions pour nous attaquer au stock de 108 millions d'impayés pendant trois-quatre ans.?", a déclaré François Durovray, au quotidien Les Echos, qui souhaite avant toute chose éviter la mise sous tutelle de l'Etat du département.