Interne ou externe, le compte à rebours de l'évaluation a commencé pour les EHPAD. Le docteur Marie-Pierre Hervy, chef du service Recommandations et Cécile Dizier, chargée de mission sur le contrôle des organismes habilités en relation avec les Autorités à l'Anesm (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), répondent à quelques questions.
Au coeur de l'évaluation
Pourquoi ne pas avoir décidé d'un référentiel unique et complet par catégorie d'ESSMS (établissement ou service social ou médico-social) pour l'évaluation interne ?
MPH : L'évaluation interne est une démarche collective dans un établissement donné permettant aux professionnels de réfléchir et de mesurer le degré d'atteinte des objectifs posés en fonction certes des missions assignées par les autorités publiques mais aussi en fonction des caractéristiques de la population accueillie, de ses besoins et de ses attentes dans l'environnement qui est le sien.
Pour une même catégorie d'ESSMS, un référentiel unique appauvrirait cette dynamique car aucun outil ne pourrait rendre compte de l'hétérogénéité des Ehpad pour ne prendre que cet exemple.
Enfin, l'évaluation interne ne vise pas d'emblée l'exhaustivité de tous les thèmes mais elle procède par étapes successives et vise à dégager, avec la participation de tous les acteurs (professionnels de l'Ehpad, partenaires extérieurs, résidents et proches) des points de tension forte entre les intentions affichées et les réalisations effectives, entre les effets attendus pour les résidents et les effets constatés.
Pour mener leur évaluation interne, les établissements doivent utiliser un outil et aussi des recommandations, lesquelles évoluent...
L'article L.312-8 du code de l'Action sociale et des familles dispose que "les établissements et services mentionnés à l'article L.312-1 procèdent à des évaluations de leurs activités et de la qualité des prestations qu'ils délivrent, au regard notamment de procédures, de références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées, ou en cas de carence, élaborées selon les catégories d'établissements ou de services, par l'Anesm".
La qualité est une démarche continue et l'Anesm a vocation à produire des recommandations. En conséquence, il est impossible pour un établissement d'être en permanence au meilleur niveau dans tous les domaines. En 2009, il avait été reproché aux premières recommandations d'être difficiles à lire, à transmettre aux équipes, qu'elles nécessitaient un travail très important pour pouvoir être déployées. L'Anesm a travaillé en ce sens, les recommandations ont évolué. Il existe aussi des fiches de synthèse, disponibles sur le site de l'Agence, pour que les établissements puissent rapidement prendre en compte l'ensemble des recommandations, disposer d'outils diffusables aux équipes, mettre en place l'évaluation sur les thèmes faisant l'objet de recommandations.
L'autoévaluation Angélique peut-elle être assimilée à une démarche d'évaluation interne ?
MPH : La circulaire de la DGCS du 21 octobre 2011 stipule que " les ESSMS sont libres de choisir leurs outils d'évaluation interne parmi ceux déjà existants, de les adapter ou même de les créer....Pour exemple, l'outil Angélique13, ou tout autre outil conforme au cahier des charges du 26 avril 1999, peut effectivement servir à fournir les résultats attendus, charge pour les ESSMS..., de veiller à ce que leur démarche d'évaluation interne et le périmètre couvert soient conformes aux recommandations de l'ANESM. "
Le recueil des informations peut donc se faire à partir d'un référentiel spécifique comme Angélique. Toutefois l'auto-évaluation réalisée sur la base de ce cahier des charges ne répond pas intégralement aux recommandations de l'Anesm en matière d'évaluation interne. Elle se focalise essentiellement sur les moyens et les procédures utilisées mais questionne peu les effets pour les résidents. Cependant, le développement de l'usage de l'outil Angélique dans une démarche d'auto évaluation depuis 1999 a considérablement acculturé les Ehpad à la démarche d'évaluation. C'est la raison pour laquelle la recommandation sur l'évaluation interne spécifique aux Ehpad propose pour chaque thème un lien avec les différentes questions de l'outil Angélique et du questionnaire Bientraitance afin d'utiliser les données déjà recueillies.
Quel sera le sort des établissements qui n'auront pas envoyé leur rapport d'évaluation externe dans les délais ?
CD : La règlementation pour les établissements autorisés et ouverts avant la promulgation de la loi du 2 janvier 2002 est la suivante : si l'évaluation externe n'a pas été réalisée deux ans avant le renouvellement de l'autorisation, l'établissement peut se voir demander de déposer un dossier de renouvellement d'autorisation, en lieu et place d'un renouvellement tacite. La constitution du dossier est un travail lourd, il impose un passage en commission... Les autorités destinataires des rapports d'évaluation interne et d'évaluation externe, en l'occurrence pour les EHPAD, les agences régionales de santé et les conseils généraux, peuvent accorder un délai en fonction de leurs contraintes propres. Cette décision n'appartient qu'à elles.
Au 31/12/2011, seuls 93 EHPAD avaient réalisé leur évaluation externe. Ne risque-t-on pas un goulot d'étranglement en 2013 et 2014 ?
CD : Ce risque existe. Toutefois, un nombre important d'organismes a été habilité pour faire face à la montée en charge des évaluations externes. Le calendrier peut encore être respecté.
Les modèles de synthèse et d'abrégé, proposés par l'Anesm, ont aussi l'avantage de faciliter la lecture des rapports d'évaluation externe par les autorités compétentes et ainsi leur donner les moyens de traiter les renouvellements d'autorisation à temps.
Concernant le coût de l'évaluation externe, le rapport d'activité de l'Anesm mentionne ceci : " on observe dans les Ehpad un minimum de 1 980 € et un maximum de 15 309 €, ceci sans lien avec la taille de la structure ". Comment expliquer cet écart ?
CD : La négociation du coût des évaluations externes est libre entre le commanditaire de l'évaluation externe et l'organisme habilité. Cette négociation doit se faire sur la base d'un cahier des charges et de critères de sélection. Il n'y a aucun encadrement de ces coûts au niveau national. L'Anesm publie chaque semestre les moyennes de coût ainsi que les valeurs minimales et maximales des facturations déclarées par les évaluateurs externes. Ces chiffres sont publiés à titre indicatif pour guider les commanditaires et les organismes habilités dans leur négociation financière.
Les rapports d'évaluation externe seront-ils accessibles au grand public ? Si oui, peut-on imaginer l'apparition d'un classement (étoiles...), par l'ANESM ou par d'autres organisations publiques ou privées ?
CD : L'Anesm n'est pas destinataire des rapports d'évaluation externe, elle est uniquement destinataire des rapports d'activité des organismes habilités. Les rapports d'évaluation externe qui appartiennent aux Ehpad sont des documents administratifs transmis aux autorités délivrant les autorisations.
Quels conseils donner aux directeurs en cette rentrée ?
MPH : Je leur redirai que l'évaluation n'est pas un contrôle. La démarche d'évaluation interne est une formidable dynamique de management d'équipe, permettant également d'impliquer les résidents et leur famille dans l'amélioration de l'accompagnement au quotidien.
Les rapports de l'évaluation interne et de l'évaluation externe sont des outils de dialogue et de négociation avec les autorités de tarification sur des bases partagées et objectives.
Je conseillerai aux directeurs de se lancer au plus vite, sinon la densité de travail à fournir limitera la qualité de l'implication des professionnels dans la démarche.
De plus, l'évaluation externe risque de leur coûter plus cher. En effet, plus l'Anesm produit de recommandations, plus le périmètre de l'évaluation se précise. De plus, malgré le nombre conséquent d'organismes habilités, le choix des ressources sera plus tendu.
Enfin ils doivent être vigilants sur le respect, par les évaluateurs externes, des règles de déontologie, d'indépendance et d'exhaustivité fixées par le cahier des charges de l'annexe 3-10 ainsi que sur la qualité de la méthodologie de travail proposée.
La HAS (Haute Autorité de Santé) est une également une référence et une source de qualité pour les structures. Le rapprochement envisagé entre l'ANESM et l'HAS est-il d'actualité ?
MPH : La collaboration entre les deux agences est régulière pour l'élaboration des recommandations par une participation mutuelle aux groupes de travail afin de garantir une cohérence des messages vis-à-vis des professionnels. Les recommandations de la HAS s'adressent aux professionnels de santé, y compris ceux qui travaillent dans les Ehpad. Les recommandations de l'Anesm portent sur les différents aspects d'un accompagnement global permettant aux résidents la meilleure qualité de vie possible et s'adressent à tous les professionnels travaillant en Ehpad (y compris les professionnels de santé). Il y a donc complémentarité entre les deux démarches permettant de respecter l'équilibre nécessaire entre le " médico " et le " social ".
* Voir la recommandation de l'ANESM : "Conduite de l'évaluation interne dans les Essms"