A mesure que notre espérance de vie a augmenté, notre espérance de vie professionnelle a diminué. Il y a comme un paradoxe.
Au delà de la réforme des retraites, la question de l'emploi des seniors
Les jeunes les moins qualifiés restent sur le pas de la porte des entreprises ; d'autres, plus diplômés, multiplient stages et apprentissages avant de pénétrer dans l'entreprise.
Côté seniors, dès 45 ans, compliqué de rester en emploi. Et après 50 ans, guère de chance de retrouver un job stable ou de continuer de se former. Aujourd'hui plus de 50 % de ceux qui font valoir leur droit à la retraite sont déjà hors de l'emploi. Cette réalité est un sacré angle mort du débat sur la réforme des retraites...
La France doit faire face à certaines spécificités : faible valorisation des services, retard en termes de robotisation, démographie tonique qui conduit à ce que beaucoup de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, image très dégradée des seniors...
Que sera l'emploi demain ?
Si les prévisions sur l'évolution des emplois sont très divergentes, les experts s'accordent sur le fait qu'une partie d'entre eux vont disparaître et que de nombreux autres, vont éclore.
Alors, quelque soit la puissance de ces transformations, la question de la répartition du travail, concerne d'abord la qualification, la compétence. Toutes les études depuis les années 1970 montrent qu'en termes d'insertion professionnelle, la ligne de fracture concerne le niveau et, surtout, la valeur du diplôme. Les jeunes sont réputés plus aptes à l'innovation, plus modernes... Sale temps demain pour les seniors ? Mais y aura-t-il suffisamment de personnes compétentes, pour faire l'économie du savoir-faire des seniors ?
Que sera l'emploi demain ?
Un non sujet, si l'on suit celles et ceux qui règlent la question en évoquant la fin du travail, l'instauration d'un revenu universel, la société des robots...
Dans cette optique, plus de sujets, plus d'histoires et aucune opposition entre jeunes et vieux puisque toutes les générations seront logées à la même enseigne. Sale temps pour l'emploi...
Que sera l'emploi demain ?
La société qui vient sera à la fois plus complexe, plus performante, plus exigeante, mais aussi plus vieillissante et fragilisante... Aussi, le besoin devrait être croissant pour des personnes, de tous les âges, disposant de savoir-être, formés aux soft skills , sensibles à la préservation de l'éco-système, capables d'accompagner les âgés et les fragiles. Ces métiers concernent aussi bien le monde de la santé, de l'accompagnement social, de la protection, de l'enseignement et de l'éducation... Ils renvoient au sens large au care et à une logique de prévention. Beau temps pour l'emploi. Disposer d'un minimum d'expériences serait plutôt un avantage pour s'acquitter de telles missions.
Une des spécificités du rapport au travail à la mode française concerne l'impression d'être peu autonomes et encore moins écoutés ou influents sur la stratégie de leur entreprise ou de leur service. Avec l'âge, la demande de considération et d'influence augmente et peu inquiéter du côté des dirigeants... Mauvais temps pour l'emploi des seniors...
L'affrontement entre jeunes et seniors n'est pas écrit. Tout dépendra si nous laissons la société Française continuer de se fragmenter ou si nous inventons un projet partagé fondé sur l'accompagnement.
Serge Guérin
Professeur à l'Inseec SBE directeur de MSc « Directeur des établissements de santé ». Auteur de Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et co-directeur de Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et Contre ?, Michalon, 2019