Audrey Dugal est Directeur de projet Santé et Silver économie chez Engie.
Audrey Dugal, Engie
Quel est votre parcours ?
Psychologue de formation, j'ai obtenu mon diplôme à 23 ans, et je me sentais un peu jeune pour exercer seule en cabinet. Comme je ressentais le besoin de travailler en équipe, je me suis orientée vers le monde de l'entreprise et de l'industrie, dans les métiers des RH, du recrutement, et la conduite du changement. Mes compétences de psychologue s'y sont révélées précieuses car pour manager des équipes comme des projets, il faut faire preuve d'écoute, d'empathie, comprendre les mécanismes à l'oeuvre chez l'autre ou dans un groupe. Je n'ai eu de cesse de me tester et de sortir de ma zone de confort. Mon fil rouge, c'est explorer, découvrir de nouveaux univers et voir comment je peux contribuer à apporter de la valeur à l'entreprise.
Et maintenant que faites-vous précisément ?
Je travaille chez Engie depuis plus de 10 ans. Mais depuis deux ans, je suis chargée pour l'équipe d'Engie Fab, l'incubateur du groupe, d'explorer de nouveaux business autour de la santé et de la silver économie. Engie est très présent au sein des territoires pour développer des offres d'opérateurs urbains. Il s'agit d'accompagner des villes, des collectivités, des quartiers et les aider à se réinventer, autour de notre coeur de métier bien sûr qui sont l'énergie et le digital. Notre ambition est d'étoffer notre bouquet de services d'offres complémentaires utiles pour le territoire. Il est nécessaire d'ouvrir le dialogue avec les territoires autour des problématiques de vieillissement de la population et de leur faire profiter des projets de digitalisation de l'espace urbain. Il faut comprendre que cette dernière peut bénéficier aussi à l'action sociale, souvent en dehors de ces développements.
Nous avons de très jolis projets pour rénover l'éclairage urbain ou développer des smart city, avec des capteurs qui mesurent des indicateurs de la ville mais peu d'entre eux s'attachent à améliorer directement le service social et la vie des citoyens. Nous cherchons donc à proposer des innovations qui servent l'action sociale des territoires.
Comment cela se concrétise-t-il ?
Notre dispositif Ogénie, par exemple, est une plateforme d'intermédiation des services seniors en territoires, co-construite avec les acteurs locaux. On l'a déployée cette année en Moselle, avec toutes les équipes du département et notre partenaire Groupe SOS Sénior. L'idée est de favoriser le parcours digital des seniors, de créer un portail unique auquel on agrège tous les services institutionnels et/ou associatifs. Ces projets ne peuvent être menés qu'avec des partenaires capables de mettre en place un bon accompagnement des équipes comme des seniors dans la prise en main de l'outil et du digital. L'idée quand on travaille à rendre un territoire intelligent, c'est de proposer de plus en plus systématiquement à nos clients d'associer l'action sociale, notamment vers les seniors. Mais tout cela est encore très nouveau.
Est-ce difficile de convaincre ?
De moins en moins car nous commençons à avoir des preuves de marché, c'est-à-dire des territoires qui à l'occasion d'un projet un peu structurant, souvent d'infrastructure, vont saisir l'occasion d'élargir leur réflexion et introduire des sujets d'innovation qui concernent l'action sociale. On va vers une logique de plus en plus intégrée.
Au niveau macro, il faut comprendre que le fait que les populations vieillissent partout très vite va avoir un impact énergétique fort pour la santé. Chez Engie, on peut bien sûr agir sur la gestion énergétique des bâtiments, mais nous, on essaie, avec ces projets innovants, d'intervenir plus en amont. Nous devons aider les gens à rester chez eux tant qu'ils le peuvent et le souhaitent. Pour cela, il faut agréger des services facilitant le lien social et l'accessibilité.
Quelle est l'urgence aujourd'hui ?
Le modèle économique, sans hésiter. Pour inscrire ces projets dans la durée, ils doivent être portés par des acteurs économiques solides. Or on n'arrive pas à passer le cap de l'expérimentation. Il y a une problématique de mécanique de financements, dispersés entre les départements, les ARS, les collectivités. La 5e branche devrait apporter de la cohérence. Il y a aussi une défiance à l'égard des gros acteurs industriels qui peinent encore à trouver leur place dans cet écosystème.
Par exemple, aujourd'hui tout le monde crée sa propre plateforme. Il me semble urgent de capitaliser sur des projets qui ont fait leur preuve.