L'expérimentation du baluchonnage va arriver à son terme légal et réglementaire du 31 décembre 2021 sans l'évaluation officielle prévue et donc sans visibilité pour son avenir. Les défenseurs de cette offre innovante de répit aux aidants plaident pour sa pérennisation.
Baluchonnage : une expérimentation encalminée
Le baluchonnage québécois est arrivé en France par le biais... de dérogations au droit du travail. Avec pour nom officiel, la « suppléance à domicile », car « baluchonnage » est un modèle protégé (non commercial) déposé par l'initiatrice du concept et de la démarche, Marie Gendron, infirmière québécoise qui a créé le Baluchon Alzheimer il y a plus de 20 ans.
Inscrites, expérimentalement, dans le Code du travail par l'article 53 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (Essoc), ces dérogations étaient jusqu'alors la principale pierre d'achoppement. Elles ont été précisées par un décret du 28 décembre 2018 organisant une expérimentation de trois ans. Objectif de cette nouvelle offre de répit : permettre l'intervention à domicile, en relais d'un proche aidant, d'un seul et même professionnel auprès d'une personne en situation de perte d'autonomie ou de handicap, sur une période continue allant de 36 heures à 6 jours consécutifs. Avec une cible privilégiée : les personnes Alzheimer ou, de façon plus générale, souffrant d'atteintes des fonctions mentales, cognitives ou psychiques pour lesquelles la préservation des repères est essentielle.
Date butoir du 31 décembre 2021
Or la date butoir du 31 décembre 2021 arrive au galop, dans le silence des tutelles. Bien sûr, la crise sanitaire a bousculé bien des calendriers et la loi Grand âge et autonomie vient d'être enterrée, mais « aucun service ne délivrera de prestation après le 31 décembre 2021 si l'autorisation de dérogation au droit du travail n'est pas prolongée ou renouvelée » alerte Marie-Pascale Mongaux, présidente de l'association Baluchon France qui accompagne 14 des 39 porteurs de projets sélectionnés par la direction générale de la Cohésion sociale (DGCS)(1).
Le cadre national d'orientation sur les principes généraux relatifs à l'offre de répit et à l'accueil temporaire publié en mars dernier(2) indique pourtant qu'en janvier 2021, un premier rapport d'évaluation territoriale, rédigé par les agences régionales de santé, les Direccte et les conseils départementaux devait permettre « d'évaluer la pertinence, l'efficience, l'efficacité et la cohérence de cette expérimentation » et que, d'ici l'été 2021, l'État devait élaborer le rapport final présenté au Parlement comme prévu par la loi Essoc. Avec une évaluation portant sur l'organisation, la soutenabilité et la reproductibilité du dispositif de dérogation au droit du travail en vue de sa pérennisation.
Une activité médico-sociale sociale à part entière
À défaut d'évaluation officielle, les remontées de terrain ouvrent des pistes pour la suite de l'expérimentation et pour la généralisation/pérennisation qu'espèrent les acteurs. Dans un plaidoyer adressé en septembre à la DGCS et cosigné par ses services adhérents et ses partenaires nationaux (ADMR, UNA, France Alzheimer, Fédération internationale des associations de personnes âgées...), Baluchon France pose un préalable : « le répit de longue durée avec un professionnel unique doit devenir une activité médico-sociale à part entière, assortie d'un financement public pérenne articulé avec les dispositifs de droit commun ». Double avantage : les services seraient en mesure de structurer une nouvelle offre d'accompagnement sur la base d'un modèle économique stable et la création d'une nouvelle prestation reconnue ouvrirait la porte aux financements complémentaires par les caisses de retraite, groupes de protection sociale et assurances. Car l'impératif est bien de limiter le reste à charge pour les familles.
Côté droit du travail, et en attendant, pourquoi pas, un statut propre des intervenants, il faudrait ajuster les dérogations pour, notamment, harmoniser et encadrer l'application du repos compensateur - des écarts très importants ont été constatés. Ce qui peut supposer, demain, des modifications législatives, réglementaires ou conventionnelles... Mais on est dans l'aujourd'hui, l'urgence est là, maintenant, « ces expérimentations représentent une opportunité unique de déployer un modèle innovant, répondant à un réel besoin », insistent les acteurs. Sans au demeurant baisser le baluchon : un colloque organisé le 5 octobre par Baluchon France a réuni des services d'aide et accompagnement à domicile susceptibles d'impulser un projet de baluchonnage en 2022...