Comment analyser l'impact de l'année 2020 sur les établissements sans prendre en considération sa singularité ? Cette année placée sous le signe de la pandémie a bouleversé les modes de fonctionnement et de gestion des structures, les relations au sein des équipes, avec les résidents, les familles... Alors plutôt que de dénoncer les manques, il nous a semblé intéressant de relever les bénéfices de cette crise pour les établissements.
Bilan d'une année de crise
Le développement du numérique
Avec l'explosion de la télémédecine, des outils de communication, la distribution de tablettes aux résidents comme aux professionnels... le numérique a réalisé en quelques mois un bond inespéré dans les Ehpad. Mieux équipés, mieux formés aussi, organisés avec des réseaux sécurisés, les groupes sont nombreux à mentionner un impact tangible sur l'amélioration de la vie sociale. La fondation Cos et le groupe Vyv soulignent notamment le développement de journaux numériques, de réseaux sociaux et la dématérialisation de documents, qui insufflent une nouvelle dynamique d'échanges et de collaboration. Pour le groupe SOS, l'explosion du numérique a permis de redonner une place active au résident en facilitant la communication et les échanges avec ses proches. Une philosophie qui s'inscrit dans la démarche initiée dès le mois de février 2020 avec le lancement de « Mon Ehpad, mon domicile ».
La Croix-Rouge française a, durant la crise, équipé chacun de ses Ehpad et résidences autonomie de 3 casques de réalité virtuelle, 5 dispositifs de musicothérapie sur tablette, une application de stimulation cognitive et jeux interactifs et déployé 10 tablettes par établissement avec outils de visioconférences pour favoriser le lien avec les familles et proches.
Edenis signale également que de nombreux dons ont permis d'équiper toutes ses résidences de tablettes pour maintenir le lien entre les résidents et les familles. Enfin, toutes les associations des Foyers de province ont adopté Famileo, un dispositif permettant au résident de recevoir des nouvelles de sa famille sous la forme d'une gazette.
Une mobilisation exceptionnelle des professionnels
Pour Dominique Monneron, directeur général de la fondation Partage & Vie « l'année 2020 a montré la formidable capacité de mobilisation des professionnels ». S'il souligne un engagement et un professionnalisme exemplaires « dans un contexte extraordinairement difficile », il reste plus critique sur la perception du grand public. « On exprime une gratitude vis-à-vis des professionnels, mais on se focalise à l'excès sur les circonstances du confinement en oubliant que nous avons préservé le sel de la vie dans nos établissements ».
La crise sanitaire a révélé au grand public les difficultés structurelles bien connues des professionnels (reconnaissance des métiers, recrutement, moyens alloués aux EHPAD). Pour Dominique Monneron, « la crise a montré l'écart entre ce qu'est réellement l'EHPAD et l'idée un peu floue qu'on pouvait en avoir. Pour le secteur, c'est peut-être une opportunité à saisir, en tous les cas je le souhaite. Dans la préparation de la loi Grand âge, les pouvoirs publics auront à en tenir compte. » L'association Les Bruyères pointe pour sa part le sentiment de grande fragilité qui interroge sur l'avenir des Ehpad.
De son côté, Vyv3 souligne l'« impressionnante » capacité d'adaptation des professionnels, qui ont largement contribué au maintien du lien social, à la vaccination « malgré la multiplicité des consignes », souvent changeantes. Le groupe espère que les métiers, « en démontrant leur utilité sociale », présenteront un nouveau visage et susciteront dès lors des vocations.
Autre élément important concernant tant le fonctionnement structurel que les équipes, nombreux sont les groupes à signaler un décloisonnement bénéfique et efficace entre sanitaire et médico-social. Si MBV-L'Union a renforcé les synergies existantes entre ses activités hospitalières et médico-sociales en créant de nouveaux process, Univi annonce avoir construit un nouveau projet médical autour de cette philosophie.
Pour la Croix-Rouge française, le secteur médico-social doit renforcer sa place dans le triptyque ville-hôpital afin d'assurer un parcours gérontologique de qualité avec une prise en soin globale. « Coordination, mutualisation et parcours doivent être au coeur de l'offre médico-sociale de demain en gérontologie ».
Des appels à projets pour continuer d'avancer
Un des éléments les plus frappants est la grande capacité du secteur à interroger ses pratiques. L'association Monsieur Vincent entend accentuer le travail engagé autour de la démarche éthique, Adef Résidences mène un travail autour de la violence subie (voir interview de Sabrina Blot ), plusieurs groupes posent la question de l'impact de l'architecture des Ehpad sur le bien-être des résidents comme des professionnels, Temps de Vie enfin a multiplié ses réponses aux appels à projets pour financer des équipements, une salle de cinéma, des tablettes, un renfort pour encadrer les visites, des thérapies non médicamenteuses, de la médiation animale... La Croix-Rouge a également lancé deux expérimentations de transformation managériale et organisationnelle sur les EHPAD et SSIAD de Nîmes et Fournes-en-Weppes dans le cadre de la dynamique d'innovation. Elle propose ainsi une mise en oeuvre progressive d'équipes autonomes « dans une démarche responsabilisante et reconnaissante de l'empowerment des professionnels ».