Créer une friperie solidaire est source de multiples vertus pour les résidents : retrouver le plaisir de choisir ses vêtements ou d'offrir des cadeaux, conserver une autonomie financière, améliorer et renforcer l'estime de soi... Reportage.
Boutiques solidaires en Ehpad : bien plus que des vêtements
À l'Ehpad Anna Hamilton de Targon, en Gironde, une quantité astronomique de vêtements non étiquetés s'accumule. « Et si on les vendait à petit prix », suggèrent un beau matin quelques résidentes. Et pourquoi pas ? De cette idée de bon sens est né un projet collectif, qui fait aujourd'hui vibrer l'établissement : une friperie solidaire. En effet, depuis quelques mois, les résidents, le personnel, mais aussi les habitants de cette commune de 2 000 habitants, y trouvent et achètent des vêtements à petits prix, exposés dans une extension du salon de la résidence. De quoi créer rencontres, émulations et bonnes affaires !
Des tiers-lieux actifs
Aux commandes du projet, un petit groupe d'une dizaine de résidentes particulièrement motivées. Chaque mois, elles se mobilisent pour trier et mettre sur cintres, et sollicitent familles et personnel pour garnir le « corner » en vêtements de tout âge... « Nous leur avons donné carte blanche pour imaginer le format de la boutique, déterminer les prix des vêtements, décider du moment d'ouverture », explique Claire Denjean, animatrice. Pour l'inauguration, un sympathique défilé de mode des résidents, suivi d'un cocktail avec le personnel, a été organisé. « Les résidents bénévoles se découvrent de nouveaux talents. Cette initiative crée du lien social à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement. » Delphine Dupré-Levêque, anthropologue de la santé et experte en gérontologie, est convaincue de l'intérêt de ces friperies solidaires. « Elles peuvent être de véritables tiers-lieux actifs, créant une animation positive pour les professionnels, les enfants, les proches aidants et les résidents eux-mêmes. »
Une initiative valorisante
Ce type de projet contribue à changer le regard du public sur le grand âge. « Les habitants du village entrent dans l'Ehpad et constatent avec autant de surprise que de plaisir que nos résidents gèrent une boutique et sont acteurs de leur vie », ajoute Émilie Mejean, animatrice de l'établissement Les Capitelles, dans la commune de Bernis (Gard), qui a créé récemment une boutique ouverte aux villageois. Au départ, les résidents craignaient qu'elle n'attire que des personnes âgées. Mais, dès les premières ventes, de nombreux jeunes et enfants se sont mobilisés. « Ils se sont sentis très valorisés », ajoute Émilie Mejean.
Ces friperies présentent un autre intérêt : elles permettent aux résidents de retrouver le plaisir d'acheter eux-mêmes leurs vêtements, de les essayer ou de réaliser un cadeau de naissance, quand l'acte de « payer » ses achats devient rare en Ehpad. « Souvent, les personnes sont dépossédées de leurs vêtements et de leurs meubles. Les magasins leur sont difficilement accessibles », témoigne Fanny Suberchicot, psychologue des Capitelles. Au sein de l'Ehpad Anna Hamilton, à Targon, les rentrées d'argent issues des ventes de vêtements contribuent à financer les sorties ludiques des résidents, qui gagnent ainsi en capacité d'actions concrètes sur leur quotidien. De quoi retrouver de nouveaux plaisirs et une nouvelle autonomie.