"Nous devons parler stratégie, gouvernance et financement". Interrogée début février, Catherine Vautrin présente ses ambitions pour le grand âge. Pas de loi annoncée...
Catherine Vautrin, Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités répond à Géroscopie
Vous avez été nommée ministre il y a un mois. Votre portefeuille est immense. Quelle place souhaitez-vous réellement consacrer au Grand âge ?
La prise en compte des enjeux du grand âge est, vous le savez, une des priorités fortes du gouvernement. A l'horizon 2030, ce sont près de 4 M de personnes en France qui seront en situation en dépendance ou de perte d'autonomie avancée. Nous nous devons de nous préparer dès à présent à ce défi considérable !
Avec Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et handicapées, nous serons très fortement mobilisées sur la question de l'adaptation de la société au vieillissement, c'est-à-dire l'accompagnement de la perte d'autonomie par la définition d'un bouquet de solutions adapté aux aspirations de chacun. C'est un enjeu de société. C'est un enjeu de solidarité aussi vis-à-vis de ceux à qui nous devons la vie.
Quelles suites concrètes envisagez-vous de donner à la loi grand âge ? dans quels délais ? Vous parlez d'une loi anticonstitutionnelle ? alors que le secteur réclame une loi de programmation structurante...
D'abord, dans ce domaine, tout ne relève pas du champ de la loi. Il y a bien des avancées qui pourront être concrétisées dans les mois à venir par voie réglementaire. D'autres le seront d'ailleurs dans le cadre de la PPL Bien Vieillir, qui, après son adoption par le Sénat, arrivera en CMP dans quelques semaines.
Ce que j'ai voulu rappeler simplement, c'est que la Constitution définit précisément le champ des lois de programmation, qui doivent déterminer « les objectifs de l'action de l'État ». S'agissant d'une politique, celle du grand âge, qui dépasse le seul champ de l'action de l'État, il peut y avoir des interrogations sur la constitutionnalité d'un tel texte. Le Conseil d'État sera saisi dans les tout prochains jours et se prononcera dans un délai de 4 à 6 semaines. Nous avons à préparer l'évolution démographique de notre pays, avec l'ensemble des acteurs du secteur concerné.
Nous devons parler stratégie, gouvernance et financement.
Avez-vous une feuille de route précise ? si oui quelle est-elle ?
La feuille de route, c'est bien sûr celle du virage domiciliaire. 90 % des français aspirent en effet à pouvoir vieillir chez eux : nous devons nous donner les moyens de répondre à cette aspiration majeure ! Pour cela, il nous faut définir une stratégie, s'agissant notamment de l'adaptation des logements, de la mutation des services d'aide à domicile, de la construction de réels parcours résidentiels, ou encore de l'accompagnement des proches aidants.
Il nous faut aussi poser avec les Départements un cadre de gouvernance renouvelé, notamment pour la prise en charge en établissement qu'il nous faut moderniser et « réhumaniser ».
Enfin, il nous faudra bien sur poser une trajectoire financière. C'est valable pour les dépenses, mais également pour les recettes.
Le secteur s'interroge : comment engager une politique de long terme quand les ministres changent tous les 6 mois sans concrétiser les promesses de leurs prédécesseurs ?
Cette ambition est par définition pluri annuelle, à nous d'en proposer le phasage au Président de la République et au Premier ministre, c'est l'un des éléments de ma feuille de route.
L'Ehpad a-t-il un avenir selon vous ? Sous quelle forme ?
L'Ehpad est la dernière étape de l'accompagnement de la perte d'autonomie. Tous les professionnels qui y sont engagés font un travail formidable, au plus près des besoins de celles et ceux qui sont les plus vulnérables d'entre nous.
Depuis mon arrivée, j'ai eu l'occasion de me rendre sur le terrain pour visiter un Ephad à la Capelle dans l'Aisne et plus récemment à celui de l'hôpital de Beaugency dans le Loiret. J'y ai rencontré les résidents et les professionnels et je veux ici rendre hommage et dire mon admiration à tous les professionnels qui exercent dans les établissements médico-sociaux ! Je veux leur dire également, comme c'est le cas pour les Ephad visités dans le Loiret et dans l'Aisne que, grâce au Ségur, l'État engage un plan ambitieux pour restructurer et construire de nouveaux bâtiments.
En effet, nous devons continuer à « réhumaniser » nos Ehpad, c'est-à-dire à mieux les ouvrir sur leur environnement extérieur, à favoriser le maintien du lien social. Nous devons les moderniser aussi, les accompagner dans leurs démarches d'innovation, par exemple pour l'accueil des personnes handicapées vieillissantes. Le développement de leur médicalisation conduit à repenser leur place au coeur de l'écosystème de santé, notamment gériatrique, dans les territoires.
C'est donc grâce au Ségur que nous pourrons répondre à ces projets majeurs pour l'avenir de l'offre médico-sociale.
Comment rassurer les professionnels qui attendent des mesures de recrutement, de formation, de valorisation, d'équilibre financier ?
L'attractivité de tous les métiers de l'humain sera l'une des priorités de mon action à la tête du ministère. Cela passe bien sûr par la reconnaissance salariale : des décisions sont en passe d'être prises pour la revalorisation des professionnels de la petite enfance, comme le gouvernement s'y était engagé. Nous suivons également très attentivement les négociations de la convention collective nationale unique étendue pour l'ensemble des professionnels du champ social et médico-social.
Mais l'enjeu de l'attractivité ne se situe pas seulement dans la rémunération. Nous devons offrir à nos personnels de véritables parcours de carrières, leur permettre de changer de métier avec l'âge, développer la valorisation des acquis de l'expérience et faciliter l'accès aux formations qui permettent de le faire. Nous devons également travailler avec détermination sur l'image et la reconnaissance sociale de ces métiers tellement essentiels. C'est une priorité, c'est tout le sens du périmètre de mon ministère travail, santé et solidarités.