Depuis la loi HPST, la catégorie juridique " hôpital local " n'existe plus. Pourtant ces " petits établissements " existent toujours. Inscrits dans les territoires, en interaction avec l'offre libérale et le secteur médico-social, ils semblent un acteur incontournable des parcours de soins. Incontournable mais peu entendu par les autorités. La parole à Dominique Colas, président de l'ANCHL (Association nationale des centres hospitaliers locaux) et directeur du Groupe Gériatrique du Penthièvre (Côtes d'Armor).
CHL : au coeur du parcours de soins
Que sont devenus les hôpitaux locaux ?
Avec la loi HPST, le statut d'hôpital local a disparu mais les structures sont restées, sous le nom de Centre hospitalier local (CHL). Les spécificités sont restées à l'identique et témoignent d'une grande activité gériatrique. Sur les 50 000 lits on compte 40 000 lits d'EHPAD. La demande est élevée et il est impératif est de donner des soins aux personnes âgées, à proximité de leur domicile et des proches.
A ce jour, les CHL sont peu identifiés dans le paysage. Peu d'ARS (Agence régionale de santé) ont des groupes de réflexion sur les CHL.
Pourquoi les CHL se positionnent-ils comme des acteurs à part entière dans la prévention et la prise en charge de la perte d'autonomie ?
Les CHL sont un acteur de premier plan dans la prise en charge de la personne âgée en perte d'autonomie. Souvent les CHL ont une filière complète : service de soins, SSR, EHPAD... Ils peuvent assurer un parcours de soin cohérent, en concertation avec les médecins-traitants. Les mêmes médecins traitants interviennent en Ehpad, en SSIAD et en ville. La continuité de la prise en charge est assurée, c'est un travail en réseau de fait. De plus, les CHL sont par nature des hôpitaux "ouverts". Ainsi les kinésithérapeutes qui interviennent dans les CHL sont le plus souvent des libéraux. Ils peuvent avoir connu les personnes âgées auparavant à leur domicile. Enfin, nous sommes un point d'appui pour els Clics, les maisons de santé pluridisciplinaires... Notre rôle peut encore se développer !
Vous privilégiez donc une approche locale et indépendante...
Nous travaillons sur une logique de bassin de vie. La proximité est fondamentale pour le maintien du lien social. Dans un bassin de vie, tout le monde se connaît. Les médecins et les infirmières sont allés à l'école ensemble, les intervenants à domicile sont des voisins... Les résidents des Ehpad reçoivent beaucoup de visites. Ici, à Lamballe, il n'y a pas de problème de transport ! Les voisins sont là pour aider sinon les personnes font appel au système de transport de la ville. Une personne âgée reste proche de son conjoint hospitalisé ou résidant en EHPAD. Comment ferait une personne âgée sans voiture pour aller rendre visite à son conjoint hospitalisé dans l'établissement hospitalier de référence situé à 20 kilomètres ? Il lui faudrait prendre trois bus et un train et l'ensemble prend la journée...
Cette approche est-elle comprise par les autorités ??Les ARS ont une approche "territoire de santé". Elles sont "hospitalo-centrées" et veulent un établissement de référence par département. Elles veulent concentrer les moyens, les ressources, ce qui dans un contexte où les finances sont tendues, est compréhensible. Toutefois, un CHU ne peut pas piloter un CHL. La culture, les relations entre patients et médecins sont différentes. La bonne solution est d'établir des conventions de partenariat.
On nous parle de mutualiser les psychologues ou diététiciennes. La mutualisation peut se mettre en oeuvre de diverses façons : ainsi les CHL peuvent s'allier avec les établissements de la FPT (fonction publique territoriale), au coeur du bassin de vie.
De toute façon, l'argument coût ne tient pas : à prestation égale, les CHL sont moins chers que les CHU. Une journée d'hospitalisation coûte entre 200 et 300 euros en CHL, elle revient beaucoup plus chère en CHU .De plus, pression économique aidant, les séjours sont plus courts en CHU. Là encore c'est un mauvais calcul qui conduit à des réhospitalisations. On ne peut pas faire la même rééducation avec une personne âgée polypathologique qu'avec un adulte actif avec une seule pathologie. L'objectif économique est finalement dévoyé. Le rapport de la Cour des comptes, après examen des chambres régionales des comptes corroborent nos vues.
Heureusement nous commençons à être entendus par le ministère de la Santé et des Affaires sociales. Les CHL font écho au plan de lutte contre les déserts médicaux : ils sont précisément implantés dans ces déserts. Les études de la DREES montrent que quand il y a une structure de coordination en milieu rural, la zone ne perd plus de médecins, voire elle peut en gagner.
Les ARS vous donnent-elles les moyens d'être de vrais acteurs du parcours de vie de la personne âgée?
Pas vraiment. D'une façon générale, les CHL ne sont pas subventionnés alors même qu'ils sont étranglés par leur forfait. Nos projets sont trop modestes, ce sont des budgets d'un ou deux millions d'euros, qui portent sur l'amélioration hôtelière : rénovation des salles de bain, adaptation des chambres... Les ARS préfèrent financer des projets plus brillants : IRM, petscan... Les CHL n'ont pas de demandes de ce type : ils n'ont pas de plateau technique et travaillent avec les spécialistes de la ville.
Nous pourrions développer des services d'HAD et faire du bon travail avec des unités de 10 places. Ils connaissent les médecins, les infirmières... mais les ARS préfèrent les gros projets. Concernant les UHR, nous avons été sacrifiés. Aussi je conseille aux Ehpad des CHL de ne pas utiliser le terme Unité Alzheimer si aucun moyen supplémentaire n'a été accordé.
Quelle est votre demande aujourd'hui ??Nous demandons une politique dédiée à nos structures. Plus de 60 établissements ont fermé ou ont été réorientés en moins de dix ans et 600 lits de médecine ont été supprimés, soit l'équivalent de 60 services de médecine. Cela résulte d'une non-politique. Pourtant la circulaire de 2002 souhaitait conforter l'existant et nous donner des lits supplémentaires. Hélas, il n'y a pas eu de réelle volonté d'application par les autorités concernées, à l'époque les ARH. C'est un paradoxe d'autant que l'OMS prône le développement de l'hôpital de district. Au Québec, on développe les structures de proximité - éventuellement avec un financement des municipalités. A Dubaï également, on cherche à rester au plus près de la population. ?Il y a quelques décennies, les hôpitaux locaux relevaient de la politique d'aménagement du territoire, mise en oeuvre par les préfets. Aujourd'hui, la seule logique est celle de l'équilibre financier !
Avec un petit coup de pouce, on pourrait offrir davantage de services. Nous pouvons sécuriser les postes en offrant une partie salariée, une activité pluridisciplinaire, une pharmacie hospitalière. Nous avons une culture forte autour de la bientraitance, des soins palliatifs, de la lutte contre la douleur...
Nous avons le même référentiel et la même certification que les grands centres hospitaliers, et la même distribution : 20% sont très performants, 60% sont bons, 20% doivent faire des progrès.
Si on réfléchit de façon à la fois positive et prospective, la nation en tirera partie !
*Etude ANCHL - ADYSTA CONSEIL - Les " Ex hôpitaux locaux " en 2011
?Activités et capacités offertes par les "ex-hôpitaux locaux" (sur 102 répondants)
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L'A.N.C.H.L est une association loi 1901, ayant pour objectifs principaux la promotion, la défense et la reconnaissance des "CENTRES HOSPITALIERS LOCAUX". L'association est un lieu d'échanges, de réflexions et de coopération entre les membres. L'association représente plus de 300 établissements sur tout le territoire métropolitain et les DOM-TOM, dont 256 établissements adhérents.