Super manager, super financier, super gestionnaire, super communiquant... Avec les nombreux départs à la retraite de directeurs d'EHPAD au cours des dix prochaines années, le profil des recrues change. Un "expert en tout", un "mouton à cinq pattes" ? Que sera le direction d'EHPAD demain ? Éléments de réponse de consultants en recrutement.
Chronique d'une métamorphose
La "génération Quinqua" à la tête des EHPAD devra, dans les dix prochaines années, passer le relais. La vague de départs à la retraite qui a déjà commencé va se poursuivre au moment où le secteur du grand âge connaît de fortes évolutions et le métier se complexifie. La diversité des problématiques, l'ensemble des injonctions contradictoires ne permettent plus aux directeurs d'EHPAD de tout gérer. Garantir la qualité de prestations délivrées aux résidents en dépit des restrictions budgétaires, maintenir la philosophie de lieu de vie en dépit de l'amoncellement des normes réglementaires... Quand on interroge des directeurs, ils sont nombreux à être dubitatifs sur ce que sera leur métier dans dix ans...
« Les groupes privés commerciaux ou associatifs qui ont des fonctions supports et qui mettent en pratique la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) mènent une vraie réflexion sur l'anticipation des départs à la retraite des directeurs d'établissement. Dans les conseils d'administration, les bénévoles à la retraite sont issus du monde de l'entreprise. En revanche, chez les gestionnaires mono-établissements, il n'y a pas encore de prise de conscience », constate Anne-Sophie de Larauze, fondatrice et directrice de Parcours & Sens, cabinet de recrutement spécialisé dans le secteur EHPAD.
Les cadres reconvertis ont la cote
La direction d'EHPAD est ouverte aux cadres venus d'autres secteurs d'activités dès lors qu'ils disposent de compétences transversales recherchées par les établissements. Et, décret du 19 février 2007 oblige, ils auront suivi une formation de niveau I en lien avec le secteur médico-social pour exercer la fonction de directeur d'Ehpad.
« Ces cadres venant du secteur industriel, bancaire, de la grande distribution, en reconversion professionnelle, souhaitent se réorienter pour donner un sens plus humain à leur activité. On les retrouve dans le secteur privé commercial ou associatif. Mais ces profils sont recherchés après 4/5 ans d'expérience en EHPAD. La profession de direction d'EHPAD comptait beaucoup de femmes originaires des métiers du soin, anciennes infirmières coordinatrices, cadres de santé. Mais avec l'arrivée de ces candidats issus de la reconversion professionnelle, on compte de plus en plus d'hommes », précise Anne-Sophie de Larauze.
« Les groupes privés commerciaux d'EHPAD sont très intéressés par des profils commerciaux familiarisés au reporting ou des profils issus de l'industrie, des services, voire même des télécoms plutôt que des personnes venant du soin. Ces cadres apportent des méthodes de management, ils sont capables d'appliquer des process, de décliner des plans d'actions, de prendre de la hauteur. Dans un contexte fortement concurrentiel, "une course au nombre de lits", et une pression sur le taux d'occupation des établissements, le directeur va devoir communiquer vers les structures hospitalières, les cliniques, les institutions locales, les collectivités pour développer l'image de marque de son établissement. En somme, se transformer en "VRP de l'EHPAD". C'est notamment le cas en Ile-de-France, où il y a de la proximité géographique entre les établissements.
Ces profils de cadres intéressent également les grands groupes du secteur associatif du type ARPAVIE ou le Groupe SOS qui ont une culture entrepreneuriale. Le recrutement de ces profils est généralement une réussite pour les EHPAD concernés car ces cadres ont une vraie motivation à donner du sens à leur reconversion professionnelle. C'est du sang neuf pour le secteur médico-social », analyse Yoann Lecat, consultant expert médico-social du Cabinet CDG Conseil.
Le pari de la jeunesse
Si le secteur associatif recherche davantage des candidats seniors, ayant déjà une expérience dans la fonction, les groupes privés commerciaux d'EHPAD adoptent une « stratégie de pouponnière » en recrutant de jeunes diplômés qui vont évoluer ensuite au sein du groupe. « Ils sont adeptes du recrutement de jeunes diplômés titulaires du CAFDES ou d'un master qui vont "se faire la main" à la tête d'un EHPAD de 50/60 lits aux côtés d'un directeur plus expérimenté. C'est une manière de se constituer un vivier de juniors, de les fédérer autour d'un projet d'entreprise, du fonctionnement propre du groupe et de leur faire bénéficier d'une gestion de parcours de carrière, d'une évolution en interne », explique Anne-Sophie de Larauze.