La prévention comme priorité sociale conduit à transformer en profondeur les politiques publiques et notre rapport à la société. Donner la priorité à la prévention c'est prendre le contre-pied des politiques d'image où l'intervention est aussi une communication. Parfois juste une communication.
Chronique de Serge Guérin : Un acteur essentiel de la prévention
Un projet politique fondé sur la prévention ouvre à la société du care, à la mise en oeuvre d'un État accompagnant. La prévention concerne, certes, les enjeux de santé mais aussi ceux liés à l'habitat, à la consommation, à la formation...
Il s'agit de s'inscrire dans une perspective d'intervention en amont fondé sur la prise en compte de la personne et de son projet de vie. Ne pas attendre la manifestation des problèmes pour intervenir mais mobiliser des moyens pour dépister les menaces et les déséquilibres avant qu'ils ne se manifestent. Il s'agit aussi d'adapter l'environnement de la personne, sur le plan de l'habitat, des habitudes de vie, de l'activité professionnelle, pour lui permettre de se construire un projet personnel en adéquation avec ses possibilités et ses envies. L'enjeu est bien d'intervenir en amont pour éviter ou retarder les dérives, les fragilités, les pertes, les déséquilibres psychiques... La société de la prévention et une économie de l'investissement a priori plutôt que de la dépense a posteriori.
Les services à la personne peuvent-ils contribuer à faire émerger et vivre une société de la prévention et du care ?
Dans les services à la personne, il importe de distinguer les activités de soin pour des publics fragiles ou vulnérables et celles centrées sur l'aide et le soutien à la vie quotidienne et domestique.
On peut s'interroger si les premières ne relèvent pas seulement du secteur public ou associatif. À l'inverse, les secondes ne doivent-elles pas répondre d'une logique commerciale standard et, à ce titre, ne pas bénéficier d'une fiscalité dérogatoire. Dans une période où les ressources sont contraintes, il est temps de sortir d'une logique qui, de fait, renforce ceux qui sont les plus aisés au détriment des plus fragiles.
Dans le cadre des services de soin, il importe que les aidants professionnels soient formés, accompagnés, valorisés et rémunérés dignement. Cela conduit, aussi, à prendre la mesure de l'échange, de la réciprocité qui peut se créer entre l'aidant, l'aidant bénévole et l'aidé. Soulignons que des personnes aidées peuvent aussi soutenir, à un autre moment ou dans un autre cadre, d'autres individus.
Au-delà de l'accompagnement et du soutien pour des actes nécessaires à la vie des personnes fragiles, les structures de service à la personne sont à mobiliser dans l'optique de la prévention via des interventions qui concernent aussi bien l'adaptation du logement, la mise en oeuvre de moyens d'alerte que la manifestation d'une présence à l'autre. Les logiques de prévention dépassent la question du soin au sens large. C'est le cas, par exemple, pour éviter les situations de surendettement à travers une sensibilisation aux enjeux d'une consommation plus soutenable. De même, les services à la personne peuvent participer de l'accompagnement scolaire en cas de déscolarisation pour raisons de handicap ou de maladie ou face à un décrochage lié à un environnement social et culturel défavorable. Mais les services à la personne peuvent se penser comme un levier pour permettre à l'individu fragilisé de continuer à avoir une vie sociale, de rencontrer d'autres personnes... Dans ce cadre, il importe de permettre à cette dernière de sortir, dans la mesure du possible, de son logement. On peut prendre l'exemple des services de repas à domicile qui sont parfois proposés par principe et par commodité alors que la personne âgée pourrait se déplacer, à son rythme et avec de l'aide si nécessaire, pour se rendre dans des lieux collectifs et s'ouvrir à d'autres activités et rencontres. Dans certains cas, les services à domicile reviennent à infantiliser la personne, à la maintenir dans un état de dépendance.
L'un des enjeux des services à la personne est bien de participer à la construction d'une société de l'accompagnement bienveillant en structurant le soutien adapté aux fragilités des personnes.
Serge Guérin
Professeur à l'ESG Management School
Dernier ouvrage : " La nouvelle société des seniors ", Michalon 2011