La sécurisation de la prise en charge médicamenteuse en EHPAD est devenue un enjeu de santé publique. Et un volet à part entière de la gestion des risques en EHPAD. Directeurs d'établissements et équipes soignantes devront s'engager dans la voie de la "culture de la qualité et de la sécurité partagée".
Circuit du médicament : développer une culture de la sécurité
S'il est une activité quotidienne au sein de l'EHPAD qui mérite le qualificatif de "pluridisciplinaire" c'est bien la prise en charge médicamenteuse des résidents. Chaque étape du circuit du médicament - manuel ou informatisé - peut être une source d'erreurs potentielles. D'autant que les intervenants sont nombreux, à la fois des professionnels de l'établissement et des intervenants extérieurs : médecins traitants, médecins coordonnateurs, pharmaciens, infirmiers, aides-soignants... Un grand nombre d'acteurs de santé, de surcroît, sont issus à la fois de la médecine ambulatoire et du médico-social, ce qui accentue les risques d'erreurs, notamment par défaut de coordination. (voir encadré)
Les facteurs les plus fréquents à l'origine des événements indésirables évitables liés aux médicaments sont de nature organisationnelle : absence de protocoles, insuffisance d'échange d'informations entre professionnels, charge de travail, inadaptation de la planification des tâches et enfin manque de communication interne.
Un risque « souvent mal connu » en EHPAD
Dans son rapport sur la politique du médicament en EHPAD remis à la ministre de la Santé en 2013, Philippe Verger, directeur adjoint du CHU de Limoges, considérait que « le risque d'erreurs médicamenteuses est encore souvent mal connu par les professionnels des EHPAD ». Pour prévenir le risque iatrogène chez des résidents de plus en plus âgés, de plus en plus dépendants et poly-pathologiques, il soulignait la nécessité pour les structures de développer « une véritable culture de sécurité dans une démarche d'analyse des risques. » La mesure 17 du Plan national d'action pour une politique du médicament adaptée aux besoins des personnes âgées va dans ce sens et entend « promouvoir une culture de la qualité et de sécurité partagée au sein de l'équipe médicale et soignante de l'établissement mais aussi de son management. »
En somme, pour suivre le fil conducteur des 5 B : « le Bon médicament, à la Bonne dose, par la Bonne voie d'administration, au Bon moment, au Bon Patient », les directeurs d'EHPAD doivent sensibiliser, former le personnel aux démarches de gestion des risques. Et dans ce domaine, tous les EHPAD ne partent pas sur la même ligne de départ : ceux adossés aux établissements sanitaires disposant de pharmacies à usage intérieur (PUI) y sont plus familiarisés que ceux travaillant avec des officines de ville. En effet, depuis l'arrêté du 6 avril 2011 relatif au «management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments », les hôpitaux doivent répondre à de fortes exigences en matière d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. Au niveau réglementaire, ce n'est pas (encore) le cas pour les EHPAD. L'heure est à l'acculturation à la qualité/sécurité. Ainsi, les structures sont conviées à évaluer, analyser et mettre à plat leurs pratiques professionnelles dans la prise en charge médicamenteuse des résidents.
Des outils d'auto-diagnostic
L'Agence régionale de santé (ARS) Pays-de-Loire a été la première à ouvrir le "bal de l'auto-évaluation". Dès mai 2012, elle met à la disposition des EHPAD sans PUI de la région le premier outil d'auto-diagnostic du circuit du médicament. L'ARS Rhône-Alpes emboîte le pas, la même année, en proposant aux structures « un outil pédagogique, comprenant des propositions de grilles d'auto-évaluation ».
« La sécurisation de ce circuit relève d'une démarche pluridisciplinaire qui doit fédérer l'ensemble des professionnels de santé intervenant et être soutenue par la direction de l'établissement. Elle passe notamment par une phase d'état des lieux visant à décrire l'existant, puis par une phase d'évaluation aboutissant à la définition puis à la mise en oeuvre et au suivi d'un plan d'amélioration », souligne-t-elle.
En 2013, dans le cadre de sa mission d'appui à la performance des établissements, c'est au tour de l'ANAP de développer, en partenariat avec l'ARS et l'OMEDIT d'Aquitaine, un outil de cartographie des risques du circuit du médicament. L'ANAP qui avait déjà élaboré INTERDIAG Médicaments dans le secteur sanitaire a façonné un outil adapté aux spécificités de ce processus du médicament en EHPAD.
Identifier les points forts et les points faibles de la prise en charge médicamenteuse, repérer les bonnes pratiques, mettre en oeuvre un plan d'amélioration... On l'a bien compris, la réussite de la démarche de sécurisation du circuit du médicament repose sur une approche collégiale, pluridisciplinaire. L'expertise, les connaissances et les compétences de chacun des acteurs du circuit du médicament devront être mobilisées. Et l'organisation du travail repensée selon de nouvelles modalités : contrôle, traçabilité, protocoles, surveillance, coordination. A l'instar des directeurs hôpitaux, les responsables d'EHPAD - en partenariat avec les médecins coordonnateurs - devront bel et bien s'engager à leur tour sur la voie du «management de la prise en charge médicamenteuse». Et entraîner dans leur sillon, les intervenants libéraux ?