Après sept ans de stagnation des salaires, la FEHAP a admis l'idée d'une augmentation de la valeur du point conventionnel de la CCN 51 grâce à l'instauration du Crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS). Une bouffée d'oxygène pour les établissements et le personnel ? Pas si sûr. Si l'État a formulé l'engagement que le CITS ne serait pas repris dans les budgets et les tarifs des établissements, les départements eux n'ont rien promis...
CITS : donner d'une main pour reprendre de l'autre ?
Décrit comme une "bouffée d'oxygène", un "nouveau carburant" pour le secteur privé non lucratif, le Crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS), instauré depuis le 1er janvier 2017, sera-t-il finalement un mirage à défaut d'être une solution miracle ?
Pour rappel, cette mesure chiffrée à 600 M€ - emportée de haute lutte par le secteur associatif - a pour vocation de rétablir une forme d'équité de traitement avec les organismes à but lucratif qui bénéficient, depuis 2013, des effets du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Concrètement, le CITS qui prend la forme d'un abattement de 4% de la masse salariale pour tous les salaires inférieurs à 2,5 Smic (soit 44 408 € pour 2017), est censé permettre de baisser le coût du travail et donc d'encourager l'emploi dans les EHPAD privés non lucratifs. En somme, une marge de manoeuvre bienvenue dans un contexte budgétaire contraint.
Lors de la conférence salariale des établissements et services sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif, le 3 février 2017, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a annoncé un taux autorisé d'évolution de la masse salariale pour 2017 de 1 %, comme l'année passée. Un niveau jugé ridiculement bas par l'ensemble des organisations syndicales de salariés. Sans oublier que pour la Convention collective nationale du 31 octobre 1951 (CCN 51), il faut, à ce taux directeur de 1 %, retrancher les effets report (0 % pour 2016/2017) et le montant du glissement vieillissement technicité (GVT) de 0,57%. Résultat : la marge mobilisable sur la politique salariale se limite à 0,43 %.
Un gel des salaires depuis 7 ans
Pour les organisations syndicales des salariés qui dénoncent depuis des mois la forte augmentation de la précarité du personnel des EHPAD associatifs, le CITS devait être "intégralement consacré à la revalorisation salariale" : notamment à l'augmentation de la valeur du point - gelé depuis décembre 2010 - de la CCN 51, ainsi qu'à la revalorisation des grilles de classification.
"Le CITS peut être l'occasion de redonner une bouffée d'espoir pour les professionnels. Il est important de s'en saisir pour que les professionnels et notamment les plus démunis d'entre eux puissent en bénéficier en priorité", a réclamé la CFDT Santé sociaux.
A plusieurs reprises, l'État s'est clairement engagé à ne pas reprendre ce crédit d'impôt dans les budgets et tarifs des structures médico-sociales dans la campagne budgétaire 2017. Jean-Philippe Vinquant, Directeur général de la Cohésion Sociale (DGCS) l'a également confirmé durant la conférence salariale. Selon lui, le CITS offre "des possibilités supplémentaires aux associations pour favoriser l'emploi dans les structures qu'elles gèrent". Les syndicats de salariés demeurent sceptiques. « Le CITS serait donc bien un outil dédié au déploiement de marges pour investir ou étayer des avantages salariaux. Rien n'est si sûr », jugent les représentants de la CFE-CGC Santé social.
"Sanctuariser cette conquête"
De son côté, la FEHAP, fédération d'employeurs de la CCN 51, a reconnu que le CITS dégageait des marges de manoeuvre pour relancer une politique salariale en panne depuis des années. Lors de la commission paritaire nationale du 15 mars, la chambre patronale a mis à la signature des cinq organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC) un avenant avec un volet relatif à l'augmentation de la valeur du point et un volet relatif aux classifications. L'augmentation du point est proposée au 1er Juillet 2017, étalée sur 2 ans avec un passage de 4,403 à 4,425 € au 1er juillet 2017 (+ 0, 5%) puis à 4,447 € au 1er juillet 2018 (+ 0,5 %) ; soit une évolution de 1 %. Le texte a obtenu une majorité de signatures avec celles de la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Toutefois, pour que les nouvelles mesures envisagées soient appliquées, l'avenant devra encore obtenir l'agrément ministériel... Le CITS étant "déterminant" pour le financement de ces mesures, la FEHAP déclare qu'elle se montrera "vigilante et combative, si nécessaire", pour "sanctuariser cette conquête".
Une "double peine"
Mais si l'État a promis la non-reprise de cet allègement fiscal par un tour de passe-passe, rien n'est garanti du côté des Conseils départementaux, principaux financeurs du secteur. Ce qui a été donné d'une main sera-t-il repris de l'autre ? Cette crainte semble fondée. "Des collectivités ont d'ores et déjà fait savoir aux gestionnaires que serait effectuée une "reprise" du CITS dans le cadre de leur tarification sur l'année 2017", dénonce l'Uniopss dans un récent courrier adressé à l'Assemblée des départements de France (ADF). Conséquence : « les associations devront passer le CITS en avance de trésorerie sur 2017, pour une imputation par les services fiscaux de Bercy en 2018 alors que les reprises par les conseils départementaux sont annoncées pour 2017. Cette position constitue une double peine pour un secteur associatif déjà en difficulté, et à qui le CITS avait été présenté comme une bouffée d'oxygène », s'inquiète l'Uniopss qui, de fait, demande le soutien de l'ADF pour une "pleine et équitable" application du dispositif.
Nadia Graradji