Colette Eynard est consultante en gérontologie. Passionnée d'architecture, elle revendique pour chacun la liberté de choisir son lieu et son mode de vie. Rencontre avec une grande dame.
Colette Eynard, consultante en gérontologie
Quel est votre parcours ?
J'ai fait des études de lettres classiques à Lyon II, je suis arrivée très tardivement dans le milieu de la gérontologie. Jusqu'à mes 40 ans, ma connaissance des personnes âgées se limitait à ma grand-mère, que j'aimais d'ailleurs beaucoup, mais je n'avais aucune notion des difficultés liées au vieillissement. C'est par la vie associative que je les ai découvertes. Alors que j'étais présidente d'une association de quartier à Villeurbanne, a émergé l'idée de créer des logements regroupés pour des personnes âgées aidées par un service à domicile. Il fallait tout inventer mais c'était un challenge passionnant. En parallèle, j'ai suivi un DU en gérontologie sociale pendant 3 ans. Sur mon passage, j'ai rencontré beaucoup de gens formidables, notamment à la Fondation de France et à l'Uniopss qui m'ont associée à la création d'un réseau de consultants en gérontologie. C'était important que des consultants puissent soutenir des porteurs de projets. Nous avons ainsi installé les bases de l'accompagnement et publié un certain nombre d'ouvrages en réponse à ce qu'on entend et voit sur le terrain au sujet d'Alzheimer, des aidants... Le dernier porte sur la notion de vulnérabilité, de fragilité, un vocabulaire utilisé quand on ne sait plus quoi dire. On est aujourd'hui prisonnier de cette manière de mettre les gens dans des cases.
Vous avez aussi participé au programme Sepia ?
Cette expérimentation nationale menée notamment à Villeurbanne m'a permis d'appréhender une programmation participative qui invite à travailler sur les usages et non sur les fonctions dans un espace donné. J'ai aussi participé au groupe européen qu'on a appelé groupe « Saumon », car les saumons remontent toujours à contre-courant. Quand on est arrivé à Bruxelles, on a rencontré des Italiens, des Hollandais, des Belges, des Anglais, qui avaient entrepris la même démarche que nous. Petit à petit, ils avaient monté des projets de logements regroupés, des maisons pour accueillir des personnes âgées, dans des cadres très domestiques. Plutôt que d'aller à des colloques, on s'est dit qu'il valait mieux unir nos forces. On a ainsi travaillé ensemble durant cinq ans, notamment sur la notion de petites unités.
Et en 2007, vous avez participé à la création du Programme Eval'zheimer conduit par Kevin Charras ?
Oui, à la demande de la fondation Médéric Alzheimer. La base du travail repose sur le constat et l'acceptation que l'environnement matériel n'est rien sans l'environnement social. Travailler avec des architectes m'a toujours beaucoup intéressée. On est d'ailleurs en train de finaliser un projet d'accompagnement à la restructuration d'un Ehpad qui accueille 146 résidents. Ancien hospice puis hôpital, le bâtiment est très important dans la ville mais il n'est plus adapté aux besoins. On y voit des professionnels désireux de faire vivre les personnes âgées dans un espace plus domestique, plus agréable, et en même temps soumis à des normes, des contraintes et une culture très sanitaire. Or la prise en charge d'une personne très âgée n'est pas forcément compliquée. Elle ne demande pas une technique extraordinaire. Un Ehpad n'est pas un hôpital.
Est-il possible de créer des domiciles dans les Ehpad ?
La notion de chez soi est fondamentale. Il faut inciter les personnes à dire ce qu'elles veulent, ce dont elles ont envie. L'aide-soignant ou l'aide à domicile ne peut pas imposer sa manière de faire, au mépris des habitudes, des pratiques de la personne. A domicile, on choisit sa façon de vivre. L'Ehpad ne peut, ne doit pas être seulement une institution contraignante. Il faut changer les mentalités pour transformer les Ehpad en maisons. La question fondamentale est de savoir ce qu'on veut faire, pourquoi on veut le faire et ensuite seulement comment on veut le faire. Finalement mon expertise, c'est de poser les bonnes questions pour aider à trouver des réponses.