À défaut de retarder l'heure du dîner pour raccourcir le jeûne nocturne, de nombreux Ehpad ont adopté la collation nocturne, à la demande... ou au besoin.
Collation nocturne : pour dormir ou se rendormir
Les troubles du sommeil font partie du cortège des risques d'un jeûne nocturne trop long, c'est-à-dire lorsque le délai séparant le dîner du petit-déjeuner dure au-delà de 12 heures. La spirale de la dénutrition et de la sarcopénie peut alors vite s'enclencher.
Or, une enquête de l'Institut national de la consommation (INC) sur l'alimentation en Ehpad vient de le confirmer : le dîner est en général servi entre 17 et 18 h 30, principalement de 18 h à 18 h 30 et le petit-déjeuner entre 7 h et 10 h 30 avec un pic entre 7 h 30 et 8 h 30. Résultat ? Dans 75 % des cas, le jeûne de 12 heures maximum pendant la nuit n'est pas respecté.
12 heures ? Cette recommandation remonte aux travaux pionniers sur la nutrition de la personne âgée du professeur de gériatrie Bruno Lesourd, « l'un des pères du bien-vieillir », a écrit de lui Le Quotidien du médecin. Un livre qu'il avait coécrit en 1996 est cité en référence dans un arrêté ministériel du 26 avril 1999[1]. Aujourd'hui, les 12 heures sont toujours un totem.
D'ailleurs, dans une question écrite du 4 juin à Catherine Vautrin, le député socialiste Jérôme Guedj lui demande de faire respecter cet arrêté. Il déplore, en effet, que la durée du jeûne nocturne soit majoritairement supérieure à 13 h pour « des raisons organisationnelles et financières » : la relève du soir ayant en général lieu à 20 h, les résidents dînent à 18 h et parfois même à 17 h. Il voit une solution en « l'instauration d'une collation nocturne avant coucher ».
« Parce qu'ils ont faim, tout simplement ! »
En effet, les dépenses énergétiques nocturnes sont souvent sous-estimées : environ 10 kcal/Kg de poids/nuit de sommeil soit 700 kcal pour un résident d'environ 70 kg, plus en cas de jeûne prolongé... « Les résidents ont du mal à s'endormir ou bien se réveillent parce qu'ils ont faim, tout simplement ! », résume Carole Villemontex, directrice du Centre ressource nutrition (Cerenut), créé en 2022 sous l'impulsion de l'Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine. « Sans compter que le dîner suit souvent de trop près le goûter, moins des 3 heures recommandées, et qu'ils dînent sans grand appétit », souligne-t-elle. En outre, les équipes font dîner d'abord les personnes les plus dépendantes qui ont besoin d'aide... « l'amplitude horaire entre le dîner et le petit-déjeuner est encore majorée ».
Autre souci : la prise de médicaments en début de repas, ce qui coupe l'appétit (par exemple mélangés dans une compote sucrée...) ou de somnifères qui font somnoler avant le coucher.
Amélioration de la qualité de vie
Mais retarder l'horaire du dîner, plutôt vers 19 h ou avancer l'horaire du petit-déjeuner à partir de 7 h demande de repenser totalement l'organisation, avec le casse-tête de l'espacement de 3 heures entre les repas, donc de plus en plus d'Ehpad adoptent l'alternative de la collation nocturne - les enquêtes-flash des ARS vont dans ce sens...
Le Cerenut a d'ailleurs actualisé fin 2023 pour ses adhérents une fiche-conseil (n° 14) sur cette collation nocturne qui « est servie à la demande », précise sa directrice. La systématiser provoquerait un important gaspillage alimentaire...et obligerait à réveiller les résidents ! Les Ehpad la réservent donc aux résidents qui en font la demande, quelle que soit l'heure de la nuit, ou sont repérés « en activité » lors des rondes. Par ailleurs, certains résidents sont ciblés comme en ayant régulièrement besoin - dénutris, Alzheimer déambulants, présentant des hypoglycémies matinales... La collaboration entre équipes de jour et de nuit est évidemment indispensable.
« Les résultats en termes d'amélioration de la qualité de vie pour les résidents sont considérables », conclut la fiche-conseil.