Dans le médico-social, l'accompagnement des professionnels nouvellement embauchés revêt une importance capitale pour garantir la qualité des soins et le bien-être des résidents. Comment les accueillir avec efficacité et réussir leur intégration lorsque les besoins ont évolué ?
Comment accueillir et accompagner les nouveaux soignants ?
Les métiers du soin sont-ils attractifs auprès des jeunes générations ? Leurs attentes ont-elles évolué ? C'est ce qu'a voulu étudier la Fondation Clariane qui a réalisé un sondage avec l'Institut Ipsos auprès de 2100 jeunes âgés de 16 à 20 ans, dans 7 pays européens[1]. Parmi les premiers enseignements, la conciliation vie professionnelle/vie personnelle semble essentielle pour 60 % des personnes interrogées. Viennent ensuite l'épanouissement au travail (56 %), l'ambiance et les relations (50 %) et un métier en phase avec ses valeurs (48 %). « Plus qu'un simple travail, les jeunes cherchent un environnement professionnel où ils se sentent soutenus, respectés et valorisés », constate Aude Letty, directrice du développement des cadres chez Clariane. Des choix d'orientation très souvent dictés par l'envie d'exercer une profession utile à la société et dont on peut être fier. Mais si le désir de prendre soin des autres reste l'une des principales motivations, ces métiers imposent souvent des sacrifices importants. C'est pourquoi le sondage souligne quelques freins à lever : la charge de travail, le fait d'affronter la maladie et la mort, les horaires irréguliers, et ce, bien avant la question de la rémunération.
Soigner l'accueil des nouveaux arrivants
Pour dépasser ces obstacles, les établissements se dotent d'outils managériaux, afin d'améliorer l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants. À Dieppe, l'Ehpad Jacques Bonvoisin (Fondation Partage & Vie) a élaboré un livret de bienvenue. « Dans ce document, on rappelle qui nous sommes, nos valeurs et les grands principes sur lesquels on ne transige pas, à commencer par le "zéro soin de force" », détaille la directrice Marie-Odile Vincent. On y trouve aussi une présentation de l'équipe et une partie « introspection ». « Certaines personnes peuvent arriver en Ehpad un peu par hasard. Nous les encourageons à s'interroger sur ce qui est important pour elles professionnellement, les compétences à acquérir, ce qu'elles souhaitent apporter aux résidents, les points de progression, leurs relations avec les collègues. » Les premiers jours sont cruciaux, en particulier pour les stagiaires. « La plupart nous disent avoir vécu de mauvaises expériences. Or la manière dont on les accompagne est déterminante dans leur apprentissage et leur envie de s'engager dans le métier », soutient Marie-Odile Vincent. Pour chaque arrivant, il convient par conséquent de nommer un tuteur dont le rôle est de répondre aux questions et de mettre en confiance. « C'est également valorisant pour la personne que l'on désigne », rappelle souvent Serge Guérin aux directeurs d'établissements pendant ses formations. Marie-Odile Vincent y voit un outil de management efficace qui confirme la pleine confiance accordée au soignant dans sa capacité à transmettre sa pratique. Avec près d'une trentaine de stagiaires accueillis en 2023, deux infirmières ont souhaité suivre une formation de tuteur. Chez Clariane, chaque nouveau collaborateur, quelle que soit sa fonction, se voit attribuer un parrain (ou une marraine) chargé de l'accompagner les premiers mois durant sa prise de poste. « Depuis la mise en place de ce dispositif, on a amélioré notre taux de rétention », rapporte la directrice du développement des cadres, Aude Letty.
Prendre soin de ceux qui prennent soin
Offrir aux soignants une meilleure qualité de vie personnelle et professionnelle nécessite parfois de réfléchir à l'organisation du temps de travail. C'est ce à quoi s'est attelée l'infirmière coordinatrice de l'établissement dieppois. Elle a revu les plannings en fonction des besoins de chacun. Certains soignants souhaitaient une amplitude horaire de 7 heures, estimée moins fatigante, quand d'autres préféraient travailler dix heures d'affilée pour limiter leurs trajets. Un travail fastidieux, mené au cas par cas, reconnaît la directrice, mais qui « répondait à une demande des salariés. Et sans lequel nous aurions eu à déplorer des départs ». Souplesse et flexibilité sont des qualités essentielles pour un manager, estime Aude Letty.
« Si on veut que nos soignants s'occupent bien de nos résidents, nous devons en prendre soin, insiste Marie-Odile Vincent. Mon rôle est de leur montrer l'utilité de leur travail, de les responsabiliser et de faire en sorte qu'ils se sentent bien chez nous. » Pour cela, la directrice multiplie les petites attentions : du « bon massage » remis aux fêtes de Noël, à la mise en place de cours de sport au sein de la résidence. Favoriser la communication serait également la clé pour fédérer les équipes, instaurer une relation de confiance et désamorcer les conflits. Marie-Odile Vincent a pu le constater depuis qu'elle a revu l'organisation des réunions de transmission. Dorénavant, celles-ci se déroulent non plus une fois par semaine avec l'ensemble des soignants, mais chaque jour en comité restreint. Le lundi avec l'équipe du premier étage, le mardi, celle du second et ainsi de suite. « Au-delà des transmissions, l'idée est d'échanger sur des situations problématiques ou des difficultés rencontrées que l'on va chercher à résoudre ensemble. » La directrice en est convaincue : « plus on prend le temps de discuter, moins il y a de problèmes à régler ensuite ».
Accompagnement sur la durée et parcours de formation
Fidéliser et retenir les talents passe aussi par les possibilités d'évolution professionnelle. Selon Christophe Guillery, directeur formation et alternance de Clariane, « ce que veulent nos soignants, c'est un accompagnement sur la durée, tout au long de leur carrière ». Pour répondre à ces besoins, le groupe développe une offre de formation dans une logique de parcours. En 2023, près de 12 % des collaborateurs du groupe étaient engagés dans un parcours de formation au sein de l'Université. La VAE (Validation des acquis de l'expérience) est un autre dispositif qui facilite les évolutions de carrière. « En offrant des perspectives de progression professionnelle, on fidélise nos soignants », assure Christophe Guillery. À l'entendre, le turn-over qui affecte le secteur n'est pas forcément lié à une crise des vocations, mais davantage à une situation de plein emploi. « On observe souvent chez nos jeunes infirmiers un désir de changement ; après avoir travaillé en Ehpad, ils vont vouloir tenter l'expérience dans un laboratoire ou en milieu hospitalier ». Faciliter la mobilité interne est une des solutions pour satisfaire ces envies. Clariane l'a bien compris. Sa charte de mobilité interne stipule qu'une personne doit occuper un poste pendant trois ans avant de pouvoir en changer, mais dans les faits, ce délai a été réduit de moitié. « Au bout de dix-huit mois, toutes les demandes de mobilité sont examinées », mentionne Aude Letty. Au jeu des chaises musicales, le département des ressources humaines de Clariane est plutôt doué. En 2023, 22 % des postes d'infirmier coordinateur étaient pourvus et 50 % des demandes de directeurs d'établissement satisfaites.