Cette angoisse se manifeste par de l'agressivité vis-à-vis de l'équipe, des exigences fortes et des mécanismes de défense inconscients souvent contre-productifs. Trois types de comportements familiaux peuvent se présenter : l'abandon, la réparation et la mise à mort « symbolique ».

L'abandon

Ces familles fusionnelles sont liées par des relations très engagées. Les liens sont placés sous serment, « à la vie à la mort ». Les enfants se sentent obligés de « s'occuper de leur parent jusqu'au bout ». L'entrée en EHPAD s'accompagne d'un sentiment de trahison. Et se traduit concrètement par un absentéisme, immédiat ou progressif, en réponse au sentiment de honte.

La réparation

L'institution est mise en demeure de rendre le parent conforme à ce qu'il était auparavant. Le personnel ne mesure pas forcément les enjeux. Famille et institution se lient dans une impossible mission déniant l'irréversibilité du handicap.

Pourtant la famille va progressivement se réorganiser. Cela peut prendre plusieurs formes : conduites dépressives, maintien de l'illusion de réparation (reproches, comportements supplétifs ou substitutifs).

Le deuil anticipé du parent âgé

Les familles pratiquent une certaine forme d'évitement tout en restant présente auprès du parent. C'est le parent déchu qui doit être considéré comme absent. Inconsciemment, la famille ne considère plus l'humain qui habite le corps. La « mise à mort » symbolique se manifeste par le fait que le corps n'est plus éprouvé comme celui de l'homme ou de la femme qui l'a habité : le parent.

Pourtant il est bien là, et rappelle sa présence à ceux qui l'auraient oublié : moments difficilement supportables pour l'enfant ou le conjoint.

Construire un espace de confiance

Le projet d'établissement doit favoriser les liens familiaux et affectifs. Il doit prévoir les modalités de participation des proches à la vie de la personne dans la structure. Il est possible pour cela d'inviter la famille à participer à l'élaboration du projet personnalisé de son parent dès l'émergence du projet d'institutionnalisation. Il va permettre de mesurer, prévenir et accompagner l'angoisse latente due au traumatisme du changement tout en trouvant une place apaisée au sein de la relation qu'induit le schéma triangulaire résident-soignant-famille, le triangle de Karpman (2).

L'objectif est de travailler le lien de confiance qui permettra à la famille d'éprouver un sentiment d'inclusion et de collaboration. Les échanges permettent à la famille de devenir actrice et non plus coupable d'abandon.

Entretenir les liens familiaux

La famille se repositionne naturellement dans un rôle d'enfant et non « de parent de son parent » (3) . Il faut faciliter la communication et le partage d'instants agréables : sorties accompagnées, visites dans l'intimité, participation au conseil de la vie sociale (CVS), aux activités communes dans la structure...

Le projet d'établissement prévoit également la possibilité d'un soutien psychologique, au sein de l'établissement ou par le biais de partenariats (association de familles, association nationale des aidants, CLIC*, MAIA*, réseau local, consultation mémoire, etc.).

Encadré :

EHPAD-familles

Une pratique professionnelle innovante : la mise en place d'une « charte de confiance EHPAD-familles »

Dans cet ouvrage, Gérard Brami, directeur des maisons de retraite de Vence et de Cagnes-sur-Mer, auteur de nombreux articles gérontologiques, analyse les relations entre un EHPAD et les familles des résidents qu'il héberge. Mieux, il propose des outils concrets pour sortir de nombreuses impasses.

https://www.leh.fr/edition/p/ehpad-familles-9782848745404