En matière d'accompagnement des personnes âgées dépendantes, le quinquennat qui s'achève est marqué par l'adoption de la loi d'adaptation de la société au vieillissement, porteuse d'une orientation majeure en direction du développement des accompagnements à domicile.Mais quel avenir pour le modèle EHPAD ?
Comment repenser le modèle EHPAD pour sortir de certaines impasses ?
Si la refondation de l'aide à domicile n'a pas eu lieu, force est de constater que des financements nouveaux permettent le renforcement des plans d'aide saturés des personnes âgées dans le cadre d'une réévaluation administrative des besoins et la reconnaissance du statut d'aidant disposant désormais de dispositifs dédiés.
La loi marque aussi l'avènement de la réforme de la tarification des EHPAD couplée à l'obligation de conclure un contrat avec les financeurs : derrière un dispositif tarifaire et contractuel nouveau d'apparence technocratique, c'est une révolution des modes de pensée et de gestion des organismes gestionnaires et de leurs financeurs qui va progressivement frapper les relations entre ces opérateurs.
A l'aube d'un nouveau quinquennat, les enjeux sont majeurs pour que la réussite de cette réforme structurelle soit au rendez-vous, tant pour les financeurs publics que pour les gestionnaires et surtout pour les résidents qu'ils accompagnent. Le renforcement des moyens des EHPAD sous-tendu par cette réforme a notamment comme objectif de permettre aux gestionnaires d'améliorer les ratios de personnels présents auprès des résidents, et partant la qualité des accompagnements.
Une réforme à l'épreuve du terrain dans les 5 prochaines années, mais pas seulement
Les Agences Régionales de Santé et les Conseils Départementaux sont-ils en capacité d'absorber l'impact des réformes adoptées par le Parlement et voulues par les organisations représentatives du secteur ? Un volume de négociations contractuelles sans précédent, des financements non garantis pour certains conseils départementaux, la tentation de remettre en cause l'habilitation totale ou majoritaire à l'aide sociale dans le cadre contractuel, voire même le refus de certains départements d'appliquer les réformes en 2017... sont autant de sujets d'interrogation, voire d'inquiétude qui ne manqueront pas d'agiter le secteur dans les prochains mois.
D'ailleurs à l'heure de la publication des premiers arrêtés de programmation de conclusion des CPOM par les ARS et les départements, la tâche s'annonce ardue : dans certaines régions, les programmations sont publiées par chacune des délégations territoriales ARS. Aussi, un organisme gérant des EHPAD dans plusieurs départements d'une même région est confronté à une problématique de négociations contractuelles départementales non coordonnées, programmées à des dates différentes sur plusieurs années, sans aucune possibilité d'un CPOM régional alors même que l'administration centrale l'a consacré ! A l'épreuve du terrain, une réforme qui prône la simplification du dispositif de gestion administrative des EHPAD pourrait rapidement perdre son sens.
Du point de vue des finances publiques ensuite, il apparait que contrairement au secteur du domicile, la réforme qui impacte les EHPAD ne bénéficie pas de financements nouveaux dédiés. En effet, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie ne finance pas la réforme de la tarification et de la contractualisation des EHPAD.
Alors, comment celle-ci est-elle financée ? En 2017, ce sont les réserves de la CNSA qui sont mobilisées à hauteur de 65 millions d'euros. Et ensuite ? La question est posée. Comment sera financée la montée en charge de la réforme jusqu'en 2023 ? L'alerte est lancée au sein du Conseil de la CNSA, des garanties sur la pérennité du financement des dépenses de fonctionnement des EHPAD devront être apportées rapidement par les pouvoirs publics qui, à cette heure, ne se prononcent pas. Une mise en garde tout de même exprimée par le commissaire aux comptes de la caisse lors du dernier Conseil : au rythme auquel les pouvoirs publics puisent dans les réserves de la CNSA pour le financement de diverses dépenses, le niveau de celles-ci ne permettrait pas de garantir, dès 2018, la construction actuelle de l'Objectif Global des dépenses (OGD) qui assure la couverture des dépenses de fonctionnement des établissements et services pour personnes âgées et handicapées.
A l'épreuve des finances publiques, l'impasse budgétaire n'est pas loin... 2018 ? 2019 ? Un sujet d'inquiétude majeur dans un contexte de réforme de la tarification des EHPAD qui doit permettre d'apporter des moyens supplémentaires à 85% des établissements, comme l'a assuré le gouvernement.
Des problématiques majeures qui restent à aborder de manière urgente
Deux sujets majeurs ont été timidement abordés mais non traités : le financement du tarif hébergement en EHPAD par les personnes âgées et la réforme plus globale de l'aide sociale légale.
Il apparaît difficile d'engager de nouveaux débats sans aborder la problématique de la source de financement nécessaire.
Pour autant, quelques tentatives de faire évoluer les modalités de financement du tarif hébergement méritent aujourd'hui d'être expertisées : la fixation d'un tarif variable en fonction des revenus des résidents, expérimenté dans les établissements du Groupe SOS en accord avec le conseil départemental ou encore la « libéralisation » d'une part des tarifs hébergement sous CPOM dans le cadre du dispositif dit de « conventionnement aide sociale ».
Il est indispensable de progresser sur cette problématique, en parallèle de toute réflexion plus globale sur un financement par la solidarité nationale qui nécessite de repenser le financement public.
Les personnes âgées qui seront amenées à résider en EHPAD dans les prochaines années auront des besoins nouveaux, et des moyens financiers différents. Il faut en conséquence repenser le modèle économique : la réforme entrant en vigueur en 2017 est un premier pas, incomplet et insuffisant. Car en réalité, ne faut-il pas repenser le modèle EHPAD de manière globale ? Les personnes âgées d'aujourd'hui, et encore plus celles de demain, ne sont plus en recherche d'une place, mais d'une solution individuelle adaptée et conforme à leurs attentes !
Le voilà, le défi du prochain quinquennat !