La spirale de la dénutrition peut aller très vite. Le risque de dénutrition concerne 25 à 40% des résidents en EHPAD. Pour stimuler l'envie et le plaisir de manger, il faut élaborer une véritable stratégie nutritionnelle avec sa société de restauration.
Comment stimuler leur envie et leur plaisir de manger ?
Beaucoup de choses viennent amoindrir l'appétit des personnes âgées: la perte de l'envie, du goût, de l'odorat, des capacités masticatoires, et la prise de nombreux médicaments! Il faut donc s'intéresser à la problématique des "faibles appétits": "La grande difficulté est de faire consommer le repas aux personnes âgées dénutries, explique Véronique Mourier, responsable nutrition, d'Elior Restauration Santé. Il y a une différence entre la théorie de ce que l'on peut prévoir dans le menu et ce qui est réellement consommé. Une personne qui a un très faible appétit met souvent le plat chaud de côté et pourtant c'est celui qui apporte le plus de protéines. C'est pour cela que nous avons des formules dites "potages complets". Il s'agit d'un dîner à trois composantes comprenant un potage qui contient la portion protidique, un fromage/laitage et un dessert". Elior a intégré dans son offre "Energie Saveurs" un ensemble de recettes de potages complets, veloutés avec un volume de 300 ml, intégrant une forte densité nutritionnelle. "Energie Saveurs" est en place sur une trentaine d'EHPAD.
"Nous avons travaillé avec des directeurs d'établissements et nous nous sommes rendus compte que le potage était incontournable. Comme le potage classique apporte très peu d'énergie, nous l'avons complètement transformé en ajoutant de la viande, du poisson ou des oeufs, voire des produits laitiers. Ensuite nous proposons un fromage, et un dessert qui lui-même peut être enrichi. Aujourd'hui nous avons une gamme de 30 potages différents, dont nous maîtrisons le chiffrage nutritionnel et l'apport protidique tout en conciliant le côté savoureux".
Il est difficile d'obtenir des données chiffrées sur la dénutrition et l'importance des plats non consommés. Toute la question est de savoir comment apporter un enrichissement à une personne dénutrie? Il est en effet possible d'enrichir les composantes du menu de l'ensemble des résidents ou s'intéresser spécifiquement à ceux qui ont un faible appétit.
"Nous organisons des rencontres avec le médecin coordonnateur, l'équipe soignante et l'infirmière référente. Cette dernière choisit les formules de restauration adaptées en fonction de la connaissance du résident. Des fiches de liaison permettent de transmettre l'information jusqu'au chef de cuisine qui stocke toutes les recettes et les fiches sur système informatique. Il met ensuite en place un récapitulatif de production pour organiser le travail de son équipe".
L'équipe soignante, qui est proche des convives au moment du repas, contrôle les ingestats sur trois jours consécutifs en utilisant le modèle proposé par l'HAS. Ce travail, effectué par les diététiciennes, permet de repérer les personnes dénutries. " Le Professeur Jeandel, gériatre, qui suit ce programme, a suggéré de l'évaluer de façon scientifique. C'est pour cela que nous avons collaboré avec l'association ISATIS sur un établissement précis pour étudier une population de 66 résidents dénutris. Pendant trois mois, deux groupes ont été étudiés : un groupe a reçu des compléments nutritionnels oraux et l'autre groupe a testé la formule Energie Saveurs". L'étude a constaté que l'enrichissement de certains plats est aussi efficace que les compléments nutritionnels oraux. Ceci a été validé par des tests d'albuminémie.
Maladie d'Alzheimer et dénutrition
"Pour les malades d'Alzheimer nous avons réfléchi à des repas pris directement avec les mains. Les troubles cognitifs et les problèmes de coordination des gestes conduisent à l'abandon du couvert et à manger directement avec les mains".
D'autres personnes ont des problèmes de mastication et de déglutition, il faut donc leur préparer des textures mixées. "La difficulté apparaît quand il faut préparer des textures mixées et permettre de manger sans couvert. Les plats sont revisités suivant l'offre de repas "Bouchées Saveurs", déclinés de l'entrée jusqu'au dessert. Un travail sur les textures associé à une étude nutritionnelle ont été menés. Il est en effet difficile de prendre un yaourt avec les doigts. Cela veut dire qu'il faut ajouter un texturant qui va apporter une tenue à la bouchée. Un véritable mode opératoire est aussi mis en place pour avoir le nombre de bouchées adapté à ce que peut manger une personne âgée et que tout cela soit équilibré en apport nutritionnel. Nos équipes en cuisine disposent de repères qui intègrent les contraintes spécifiques des personnes âgées d'un point de vue culinaire, par exemple pour que les légumes soient mieux cuits, plus fondants. La texture hachée concerne principalement la viande. Globalement le reste du repas peut être servi de manière classique sauf les crudités qui ne doivent pas être trop dures ou trop fibreuses et qui seront hachées finement. Dans la gamme des "Faciles à Manger", nous avons décliné tous les menus en textures modifiées, y compris les crudités. Par exemple un fondant de concombre sera réalisé à partir d'un mode opératoire utilisant le concombre cru. Les desserts, de la même manière, sont réalisés avec des fruits crus: délice de mandarine ou de pêche. Les féculents ont également été repensés en préparations mixées: pâtes ou du riz mixés en déclinaison d'un plat. L'ensemble du menu du jour est décliné à 95% en Faciles à manger".