Hugues Vidor, directeur-général d'Adessadomicile, fédération nationale des SAAD, aborde la problématique des services d'aide et d'accompagnement à domicile, de leur pérennité et de la concurrence des entreprises commerciales.
Concernant les publics fragiles, le jeu de la libre concurrence n'est pas souhaitable
Quelles sont les difficultés rencontrées par les SAAD ?
Ce sont d'abord des difficultés de financement. Les services à domicile n'ont pas la reconnaissance du coût de revient. Nous pouvons avoir des différentiels entre le coût réel du service et le coût couvert par l'APA de 2 à 3 euros de l'heure. Ce qui fait que, depuis de nombreuses années, les SAAD sont en difficulté sur le territoire. Nous nous mobilisons depuis 2009 sur la tarification et la nécessaire réforme de l'organisation des SAAD. Ces différentes mobilisations qui réunissent une quinzaine d'organisations, dont ADESSADOMICILE, l'UNIOPSS ou la FNAQPA, ont réussi à faire évoluer les choses au niveau du gouvernement pour obtenir un financement plus important. Les financements de la CASA sont désormais fléchés sur l'aide à domicile (650M€), ce qui donnerait une bouffée d'oxygène au secteur avec un fléchage sur la prestation de l'APA autour de 450M€ pour déplafonner les GIR et pour diminuer le reste à charge des personnes qui ont le moins de moyens. Mais cela ne répond pas au problème de fond du déficit systémique du financement de l'aide à domicile : il y a une insuffisance de la prise en charge et un problème d'application du principe d'universalité de la prestation. On raisonne dans les départements avec des systèmes d'enveloppes fermées : les charges augmentent au niveau des Conseils généraux (RSA) mais les recettes sont contraintes. Cela les met dans des conditions difficiles pour arbitrer en direction des personnes âgées et mettre en place de véritables politiques pour répondre à la prise en charge de l'ensemble des personnes sur un territoire.
Certains groupes d'EHPAD s'intéressent aux SAAD, qu'en pensez-vous ?
Nous observons la montée en puissance d'un certain nombre d'entreprises commerciales qui se développent dans notre secteur et qui interviennent dans des zones solvables. Elles ont des conditions fiscales différentes des nôtres. A savoir qu'elles paient l'impôt et, depuis le pacte de responsabilité, bénéficient du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Or le CICE ne bénéficie pas aux entreprises associatives - par contre nous avons eu un abattement de la taxe sur les salaires - mais quand on fait le calcul au niveau national on s'aperçoit que nous avons un différentiel de 4% entre la prise en charge des associations d'aide à domicile et celle des entreprises commerciales. C'est une perte de compétitivité pour les associations qui pose à terme un problème de pérennité et questionne aussi les politiques publiques sur leurs choix en termes de prise en charge des publics fragiles.
Nous avons la conviction que concernant les publics fragiles, nous sommes sur des missions d'intérêt général et nous ne devons pas être dans un libre jeu de concurrence où il s'agirait d'être le moins disant avec des prix les plus bas possibles pour obtenir le marché. Le problème de la qualité de la prise en charge se poserait inévitablement.
Il faut des professionnels de l'aide à domicile qui soient suffisamment formés et qualifiés, et bien rémunérés - or aujourd'hui ce n'est pas le cas car nous sommes pratiquement sur un niveau SMIC pour 60% des salariés de la branche (231 000 salariés), ce qui est totalement insuffisant et ne permet pas de mettre en place des politiques de professionnalisation substantielles.
Il faut sécuriser les SAAD, avec de véritables missions d'intérêt général: c'est tout le débat autour de l'autorisation et de l'agrément. Nous avons la conviction que pour ce public l'ensemble des structures doivent être autorisées, par l'autorité départementale et tarifées/rémunérées en conséquence.
L'autorisation semble cependant faire peur ?
Nous sommes dans une grande confusion depuis 2005 avec la loi Borloo où d'un côté on a un agrément piloté par la Direccte, avec une logique d'emploi, où c'est le respect du code du travail qui compte, et la liberté des prix; et d'autre part l'autorisation où c'est le code de l'action sociale et des familles qui s'impose, avec des tarifs également imposés.
Les suggestions que nous avions faites ont été reprises dans la future loi sur le vieillissement : notamment d'une part que les CPOM soient le modèle de contractualisation et d'autre part que l'autorisation soit mise en oeuvre à partir de 2020.
Nous nous sommes appuyés sur une enquête de l'IGAS qui a examiné la situation de 14 départements où les expérimentations ont pu être mises en oeuvre. Cette enquête a prouvé que ce modèle de contractualisation et de prise en charge globale entre les Conseils départementaux et les associations sécurisait les intervenants et le public fragile. C'est pour cela que nous militons pour que nous entrions dans un système d'autorisation pour le public fragile, et d'entreprise ressortissant du code du travail pour les services de confort (jardinage, informatique) avec la liberté des prix - dès lors qu'il n'y a pas besoin de protéger la personne.
Il existe aussi un problème de distorsion des prix sur les territoires, et en fonction de la manière dont vous êtes fléché médico-social ou non. Nous avons fait une enquête relevant des disparités sur le même territoire allant jusqu'à 7 euros de l'heure en fonction des types d'intervenants (agréés ou autorisés), et sur l'ensemble des conseils départementaux nous retrouvons cette même disparité qui va de 1 à 9 euros entre les prises en charges. On voit que les principes d'équité territoriale et d'universalité des prestations sur le territoire sont mis à mal avant la réforme. Nous avons besoin d'un système homogène et d'une vraie régulation nationale.