Dans un arrêt du 13 avril, le Conseil d'Etat suspend l'exécution de la décision de l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté et du conseil départemental de l'Yonne de cessation définitive d'activités de l'Ehpad Flore de Saint-Agnan.
Conseil d'Etat : le groupe Bridge peut rouvrir son Ehpad de Saint-Agnan
Un peu d'histoire, d'abord.
Après une inspection des 11 et 12 mai 2022 révélant « un grand nombre de dysfonctionnements », l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté et le conseil départemental (CD) de l'Yonne décident le 18 mai 2022 de suspendre en urgence et pour 6 mois l'activité de l'Ehpad Flore de Saint-Agnan géré par le groupe Bridge - mais doté d'une personnalité juridique propre SAS Ehpad Flore. Il est placé sous administration provisoire le temps de transférer l'ensemble des résidents vers d'autres établissements.
Par courrier du 16 août, 25 injonctions, 10 prescriptions et une recommandation, issues du rapport de la mission d'inspection, sont notifiées à l'Ehpad à satisfaire dans un délai de deux mois.
Le 18 novembre 2022, estimant qu'il n'avait pas été remédié aux manquements constatés, l'ARS et le CD prononcent une cessation totale et définitive de l'activité de l'établissement et abrogent l'autorisation qui lui avait été accordée.
Le premier référé maintient la fermeture
La SAS Ehpad Flore saisit alors le tribunal administratif de Dijon d'une requête en référé-suspension. Ce dernier la rejette par ordonnance du 11 janvier 2023.
Elle saisit alors le Conseil d'Etat qui dans un arrêt du 13 avril, vient d'annuler ce jugement de première instance et de suspendre l'exécution de la décision du 18 novembre 2022 de l'ARS et du CD...
L'Ehpad peut rouvrir ses portes.
Le groupe Bridge s'en « réjouit à la fois pour [ses] résidents et [ses] salariés, mais aussi pour le territoire ». Il annonce que la réouverture (la plus rapide possible) « sera accompagnée étroitement pour permettre à l'établissement un fonctionnement normal pérenne et dans une démarche d'amélioration continue », en espérant « maintenir un dialogue constructif » avec l'ARS et le CD « pour assurer les conditions de réussite ». Et il précise que depuis un an, les salariés sont restés en poste, durant la fermeture, « ils en ont profité pour se former et ils sont prêts à reprendre pleinement leur mission à la reprise effective ».
Des interrogations
Dans cette affaire, l'arrêt du Conseil d'Etat retient que le juge de référés a insuffisamment motivé son ordonnance sans aller plus avant dans l'analyse des arguments circonstanciés de l'Ehpad : les manquements retenus par la décision du 18 novembre reposaient sur de nombreuses erreurs de faits, deux d'entre eux ne portaient pas sur les injonctions qui lui avaient été faites et il n'avait pas été tenu compte de ce que l'établissement avait remédié à la quasi-totalité des dysfonctionnements, notamment les plus graves, initialement relevés !
Quant à l'urgence, elle se justifie lorsque l'exécution d'un acte administratif « porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ». Or, c'était bien le cas ici : depuis le 18 mai 2022, l'Ehpad n'accueille plus de résidents, ne dispose donc plus d'aucune recette, mais « dans la perspective d'une réouverture, a conservé ses charges fixes, dont celles afférentes à son personnel, qu'il a continué de rémunérer, et engagé les travaux et recrutements rendus nécessaires par les injonctions qui lui ont été faites »...
En dehors de cette affaire, l'arrêt interroge aussi sur l'après-contrôle, les suites potentiellement immédiates. L'Ehpad a-t-il été écouté ? La cessation d'activité a-t-elle été dégainée trop vite ? L'affichage de fermeté a-t-il été privilégié - l'affaire Orpea venait d'éclater...