Face au défi du vieillissement, Pascale Boistard, Secrétaire d'État auprès de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, chargée des Personnes âgées et de l'Autonomie, défend une politique de solidarité, au service de la personne. Après la loi ASV, la société doit poursuivre son travail d'adaptation aux enjeux sociaux, sociétaux et démographiques.
Construire une économie au service du progrès social
Les décrets de la loi ASV sont aujourd'hui parus. Les EHPAD semblent être les grands oubliés??
Pascale Boistard?: Les établissements n'ont absolument pas été oubliés. Nous avons créé 25?000 places supplémentaires en EHPAD depuis 2012 et développé les résidences autonomie, compromis entre l'établissement et le domicile. La loi ASV prévoit aussi la rénovation du cadre de contractualisation des EHPAD à travers les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Ce nouveau cadre budgétaire accorde la souplesse nécessaire aux établissements pour innover et retrouver des marges de manoeuvre... Il est désormais possible pour un groupe privé commercial de signer un seul CPOM sur un même département pour l'ensemble de ses établissements. Ce progrès indéniable va dans le sens de l'esprit de la loi ASV qui vise aussi la simplification des échanges entre les gestionnaires et les autorités de tarification que sont les ARS et les conseils départementaux.
Des mesures concernant la transparence de tarification en EHPAD ont été prises dès l'entrée en vigueur de la loi ASV. Elles portent sur la garantie de prestations minimales en matière d'hôtellerie, de restauration et de blanchisserie. Ce décret permet de garantir une prise en charge sans surcoût pour les familles. Un second décret encadre le prix des établissements non habilités à accueillir des bénéficiaires de l'aide sociale.
Enfin, nous avons présenté le 15?décembre dernier, avec Marisol Touraine, la nouvelle version du portail des personnes âgées de la CNSA, le site pour-les-personnesagees.fr, où sont inscrits l'ensemble des tarifs des EHPAD. Ainsi, chacun, en fonction de ses revenus et de son lieu de résidence, peut comparer les tarifs des établissements et calculer son reste à charge. Comment éviter et prévenir les tensions intergénérationnelles??
Pascale Boistard?: Le vieillissement de la population est une étape collective. Ni la solidarité ni le pacte républicain ne doivent avoir de limite d'âge. C'est ainsi que nous devons aborder ce défi pour éviter une crise du vieillissement. Par ailleurs, nous le voyons tous les jours, les Français sont solidaires, altruistes, et s'engagent pour les autres. Je réfute la petite musique qui se fait trop entendre selon laquelle chacun se recroquevillerait sur lui-même.
Le moyen le plus sûr d'éviter les tensions intergénérationnelles est de construire une économie au service du progrès social, de profiter de la chance du vieillissement pour développer une économie humaine au service du progrès?: c'est tout l'enjeu de la silver économie. La France a l'opportunité de développer une industrie d'anticipation, mêlant performance technologique et intelligence humaine. Nous avons d'ailleurs signé avec Christophe Sirugue le 12?décembre dernier une nouvelle "?feuille de route pour la silver économie?". C'est en quelque sorte l'acte 2 de la structuration de la filière. Mais la constitution de cette industrie ne fonctionnera que si les acteurs partagent une même ambition, celle de mettre la personne au centre du système et de lui proposer des solutions globales, en protégeant ses droits fondamentaux de citoyens. Avec la silver économie, c'est l'économie qui rejoint l'humain, qui met la personne et ses aspirations au centre de son développement.
Comment faire entrer la question du vieillissement dans la campagne électorale??
Pascale Boistard?: La question est dans toutes les têtes car toutes les familles sont concernées. En 2050, un tiers de la population aura plus de 65 ans. Il s'agit aujourd'hui de savoir comment on organise et pérennise les politiques de solidarité entre les différentes générations. Aujourd'hui, la gauche est consciente de ces enjeux, comme elle l'a montré en prenant très au sérieux la question du vieillissement, en tenant ses engagements. Quant au programme de la droite, il est dangereux pour les Français, notamment sur les questions sociales. Si ce programme était mis en oeuvre, ce serait moins de personnel pour s'occuper de nos aînés, moins de prise en charge de leur perte d'autonomie et ne seraient protégés que ceux qui ont les moyens financiers de payer une assurance privée.
Quel voeu formulez-vous pour 2017??
Pascale Boistard?: Je souhaite que la discussion entamée au sein de la société avec l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi ASV se poursuive, s'approfondisse et s'amplifie. Personne ne peut faire l'économie d'un grand débat sur les moyens que nous devons mettre en place pour que le modèle Français de solidarité se perpétue, devienne plus juste et efficace, s'adapte aux nouveaux enjeux sociaux, sociétaux et démographiques. Je veux une nouvelle ambition pour la politique en direction des personnes âgées, que cette politique soit encore plus ambitieuse en dehors du strict champ du médico-social et touche l'ensemble des sujets qui concernent les personnes âgées?:la culture, les sports, le numérique, tous les sujets intergénérationnels, les loisirs, l'habitat, l'urbanisme. Ces questions sont prises en compte, nous y travaillons, les collectivités s'y intéressent et beaucoup sont très avancées sur le sujet, car pour accompagner la révolution de la longévité, en bonne santé, il faut repenser la façon dont nous envisageons toute l'action publique sur ces sujets riches et fondamentaux.
Le vieillissement n'est pas un problème technique, qu'on pourrait résoudre par des ajustements ici et là. La transition démographique exige que des choix de société qui nous engagent tous soient faits. La France de demain sera-t-elle solidaire ou pas ? Voulons-nous plus ou moins de protection pour nos aînés?? Si nous regardons le programme de François Fillon, dans la partie "?famille et solidarités?", il parle de "?généralisation d'une couverture assurantielle dépendance privée?" comme solution à la dépendance des personnes âgées. Ici le choix idéologique est clair et assumé?: chacun se débrouille seul, fin de la solidarité.
Mini Bio
Née le 4 janvier 1971 à Mont-de-Marsan (Landes)
Titulaire d'un DEA en sciences politiques, spécialisé sur les institutions européennes (Université Paris VIII).
Députée de la Somme depuis 2012, elle est d'août 2014 à février 2016 Secrétaire d'État chargée des Droits des femmes, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
Depuis 2016, elle occupe les fonctions de Secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.