Des voix discordantes à quelques jours d'intervalle. Alors que la mission "flash" EHPAD de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale s'est prononcé en faveur "d'aménagements" de la réforme de la tarification des EHPAD "pour assurer une redistribution plus équitable" des moyens, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) se positionne pour une poursuite de la réforme en l'état.
Convergence tarifaire : qui gagne, qui perd ?
"Prendre le temps de corriger les effets réglementaires indésirables" de la réforme de la tarification des EHPAD. Voilà l'une des préconisations de la mission "flash" EHPAD, présidée par Monique Iborra, député LREM Haute-Garonne, qui a rendu ses conclusions, le 13 septembre. Après le temps de la protestation - durant des mois - des professionnels du secteur (notamment public) et les organisations syndicales est venu le temps de la réflexion. Le 25 septembre, Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale (DGCS) a présidé la première réunion du comité de suivi de la réforme de la tarification des EHPAD.
L'ordre du jour ? "Faire émerger d'éventuels points de blocage ou difficultés de mise en oeuvre de textes actuels en matière de tarification des forfaits soins et dépendance des EHPAD et les améliorations techniques qui pourraient y être apportées. Ce travail pourrait aboutir à "des amendements, modifications et ajustements du décret initial". La ministre de la Santé n'y est pas opposée", avait déclaré Monique Iborra.
De quoi rendre optimiste la FHF qui attendait de ce premier comité de suivi "des propositions concrètes d'évolution de la réforme" alors que le SYNERPA, lui, voyait d'un mauvais oeil "une remise en question" de cette réforme, à peine six mois après sa mise en route.
Principe d'équité
Dès le départ, la réforme de la tarification des EHPAD a été vendue par le gouvernement précédent comme étant une réforme équitable et avantageuse pour les établissements. Le principe d'une convergence tarifaire progressive - sur sept ans - visait à rééquilibrer la répartition des financements entre les EHPAD sur-dotés et sous-dotés sur les sections soins et dépendance. Cette convergence, étalée de 2017 à 2023, "se fera au bénéfice, au plan national, de 85 % des EHPAD qui vont bénéficier de plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires" au cours de cette période, assurait l'instruction du 7 avril 2017.
Mais la FHF martèle, depuis des mois, que "ce principe d'équité ne tient pas". Pour les représentants des établissements publics, la convergence créée par l'instauration d'un point GIR départemental inséré dans l'équation tarifaire de la dotation dépendance a conduit à des inégalités d'un département à l'autre, "avec des écarts de plusieurs centaines d'euros pour une même situation". En clair, la perte de ressources sur le segment dépendance pour les EHPAD publics est estimée à 200 millions d'euros. L'autre reproche formulé à l'encontre de la réforme est de pratiquer une convergence des tarifs sans prendre en considération les singularités juridiques, sociales et fiscales entre les EHPAD publics, associatifs, commerciaux.
Bataille de chiffres
Alors, la réforme est-elle équitable ou pas ? Qui sont les gagnants et les perdants ? Lors de cette première réunion du comité de suivi, la DGCS a dégainé ses propres chiffres et présenté un document évaluant l'impact de la réforme du financement des EHPAD. Selon cette étude menée à partir des données de 4 565 EHPAD, tous secteurs confondus, puis extrapolée à l'ensemble des EHPAD, la réforme de la tarification des EHPAD conduit à un gain estimé, au 1er janvier 2017, à 397,9 millions d'euros. Et dans le détail : 357,5 millions d'euros pour la partie soins, et 40,4 millions d'euros pour la partie dépendance. Pour les services de l'Etat, le secteur public serait globalement gagnant à la réforme, avec un solde total positif de 100,2 millions d'euros. Concrètement, selon les calculs de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la perte sur la dépendance pour le secteur public serait de 65,6 millions d'euros et non de 200 millions comme l'évalue la FHF. Une perte, par ailleurs, contrebalancée par un gain de 165,8 millions d'euros pour les financements soins, sur la période 2017-2023.
Selon cette même estimation, le secteur privé non lucratif gagnerait 104 millions d'euros dans la réforme (+1,1 million d'euros sur la dépendance, et +103 millions d'euros sur le soin.) Les EHPAD du secteur commercial sont les mieux lotis avec un gain à hauteur de 193,6 millions d'euros (+88,7 millions d'euros sur le soin et +104,9 millions d'euros sur la dépendance). Au final, seuls 2,9 % des EHPAD, tous statuts confondus, seraient en convergence négative sur les deux dotations.
Ce premier comité de suivi de la réforme a pu avoir l'effet d'un seau d'eau froide pour les partisans de la refonte de la réforme, confortés quelques jours plus tôt par les conclusions de la mission "flash" EHPAD qui qualifiait la tarification des EHPAD "de type kafkaïen". Par cette démonstration chiffrée, la DGCS semble donner, elle, le signal d'une poursuite de la réforme en l'Etat.