La crise du coronavirus a révélé l'importance du care, du soin, de la santé. Les deux épisodes de confinement ont fait émerger la nécessité, mais aussi la fragilité, du lien social.
Coronavirus et retour sur le care
Le care a fait son retour pendant la crise sanitaire. « Prenez soin de vous » : tout un chacun s'est mis à utiliser ce type de formule, en particulier lors du premier confinement qui évoque le soin mutuel intrinsèque au care. Nous avons assisté à une prise de conscience de l'importance de la santé et des métiers du soin, mais aussi de notre propre fragilité. Avec humilité, les personnes ont perçu leur vulnérabilité, en dépit des techniques médicales modernes existantes.
Mais le care représente-t-il seulement une parenthèse dans la vie de la société, en raison du contexte émotionnel ?
Dans ce cas, il tendra à disparaître de nouveau au profit de quelques pansements budgétaires et de communication aussi massive que ciblée. A l'inverse, si le care résulte d'une prise de conscience collective de notre interdépendance avec les autres et d'une transformation de nos manières d'être et de nous comporter, il pourra donner lieu à une vision globale de la société prenant mieux en compte l'humain, le soin, le développement de la prévention et plus largement la préservation de notre planète qui est bien une façon de prendre soin de soi et de l'autre. Réaliser collectivement que nous avons besoin les uns des autres, y compris entre les jeunes et les personnes âgées, est absolument essentiel pour réussir la seniorisation de la société.
Des besoins réciproques
Dans cette optique, la création d'une cinquième branche de solidarité sociale peut être un levier pour le care. Une démarche de care se fonde sur l'intergénérationnel, la solidarité et la réciprocité : la personne âgée a besoin du jeune et le jeune a besoin de la personne âgée. Durant le confinement, les États généraux de la séniorisation de la société que nous avons lancés avec la docteur en psychologie Véronique Suissa et le chirurgien Philippe Denormandie ont d'ailleurs tourné autour de cette idée. L'enjeu était de prendre en compte la parole et les modes de vie des aînés. On ne construira pas une société du care sans la parole et l'implication des gens.
Le care dispose de deux autres leviers primordiaux pour améliorer la situation des personnes âgées. En premier lieu, la prévention qui permet d'allonger l'espérance de vie en bonne santé, à travers des changements d'habitudes personnelles et collectives. Un apport individuel et humain, mais aussi une ressource d'économie collective en réduisant les coûts de santé.
Le second levier consiste à valoriser toutes les fonctions d'accompagnement des personnes en perte d'autonomie, liée à l'âge qui avance, à la maladie chronique ou au handicap. Ces métiers souvent peu visibles et peu valorisés sont exercés très majoritairement par des femmes qui vivent parfois elles-mêmes dans des conditions difficiles.
Serge Guérin
Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », auteur de Les quincados , Calmann-Lévy