Dans la chronique précédente, je faisais l'hypothèse que le care avait fait son retour pendant la crise sanitaire. Au sens où une société du care permettrait de soutenir le changement des comportements en faveur d'une attention à tous les êtres.
Coronavirus et retour sur le care
Cette évolution implique les professionnels et les aidants. Et finalement tout le monde, puisque le care n'intervient pas sans nous-mêmes. Chacun peut en effet être accompagné pour devenir auteur de sa vie : c'est en cela que le care diffère de l'assistance. Une telle société place donc la prévention au coeur de son action. Le problème, dans une société de l'image et de l'émotion, demeure la question du visible. Les images des pompiers qui éteignent l'incendie sont puissantes, pas celles des personnes et des actions qui évitent le feu de forêt.
Une grande partie du care invisible et non valorisé
Pourtant, cette démarche humaniste et sociale est économe des deniers publics, du pouvoir d'achat et des ressources de la Terre. Une personne qui pratique une activité, telle que le Tai-Chi, crée du lien social et se réapproprie sa capacité d'agir pour améliorer sa qualité de vie. En se prenant en main pour restaurer sa condition physique, elle peut réduire sa consommation médicale et médicamenteuse et, indirectement, améliorer l'environnement, puisque la production de médicaments a un impact environnemental. C'est un cercle extrêmement vertueux ! Nous avons crée l'agence des MCA pour renforcer la réflexion sur ces médecines complémentaires et alternatives. Néanmoins, prendre soin de l'autre ne signifie pas que nous vivrions dans le monde de Oui-Oui. Le risque serait d'imaginer une société du care sans violence et sans opposition. Il faut prendre en compte le tragique de nos sociétés, tout en valorisant les fragilités et les personnes qui s'en préoccupent.
Tendre vers un monde d'attention à l'autre, où l'éthique de la sollicitude a sa place.
Le philosophe Emmanuel Lévinas parlait de non-indifférence du prochain : je ne suis pas forcé d'aimer tout le monde mais je sais que le prochain vit autour de moi et je ne fais pas sans lui. C'est le « nous sommes » d'Albert Camus. Après tout, la grande sensibilité de la société française à l'idée que Noël 2020 ne soit pas fêté en famille, nous disait beaucoup du besoin de lien, du besoin de se retrouver, du besoin d'être famille. De la même manière, le fait que le gouvernement ait fait le choix d'assouplir les mesures de confinement des maisons de retraite marque une lente évolution des représentations du droit de tous, y compris des plus âgés, de faire lien et de prendre ses risques.
La société du care doit se construire autour de cette idée. La prise de conscience collective de l'interdépendance entre les uns les autres constitue une étape cruciale pour faire émerger une société du soin mutuel, où chacun peut prendre sa part. Si je prends le train, j'ai besoin du conducteur, des personnels d'accompagnement, des techniciens qui ont installé les rails...
Pour revenir à cette question de Noël, il est bon aussi de dire combien une société, pour incarner le vivre en commun, a besoin de rites collectifs. Il y en a de moins en moins. Noël en est un. C'est aussi pour cela que dans une période très anxiogène, la demande sociale était vive pour « sauver » Noël. Noël, c'est aussi la trace culturelle et spirituelle des racines du pays, que l'on soit chrétien ou non.
@Guerin_Serge
Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », auteur de Les quincados , Calmann-Lévy