Dans le n° 63-décembre 2015  -  Interview de M. Joseph Magnavacca  5232

Créer le COD3S pour donner de la visibilité à nos métiers

Les directeurs d'EHPAD publics se sentent très esseulés. Pour rompre cet isolement, Joseph Magnavacca, directeur de 2 ehpad, a créé avec d'autres directeurs du secteur public le collectif des directeurs COD3S.

Dans quel but avez-vous créé ce collectif de directeurs d'établissements publics ?

Nous avons estimé qu'il y avait un manque car il n'y avait pas d'association ni de regroupement de directeurs D3S. Pourtant nous existons. Nous avons voulu donner une visibilité à notre métier, à nos fonctions et essayer de fédérer les énergies dans les différents départements et essayer de réfléchir à ce qu'on peut améliorer. Ce sont des métiers qui isolent beaucoup. Le directeur est seul sur les établissements : il est assez rare d'avoir un directeur et un directeur adjoint contrairement à l'hôpital où il y a une équipe de direction. Dans nos établissements le directeur est seul et isolé. La situation des établissements est souvent éclatée géographiquement. Dans certains départements, leur premier collègue est à 1h30 de route. L'idée est de mettre en place des correspondants départementaux pour animer des réunions entre directeurs et pour parler des différentes problématiques rencontrées au quotidien, quel que soit le secteur (enfance, handicap, personnes âgées, insertion, sanitaire). Cette diversité est aussi l'avantage de notre métier.

Par ailleurs, nous sommes tous très attachés à l'école EHESP et nous voulons être un pont entre l'école et les postes où les directeurs sont lancés dans le grand bain le 1er janvier. Il s'agit de leur donner un petit réseau avant la prise de fonctions, en local pour leur permettre d'avoir des personnes de référence, vers lesquels ils peuvent se tourner lors de la prise de poste. L'attachement à l'école est très important et nous travaillons sur une newsletter qui fera le lien et donnera des éléments de terrain aux élèves tout en promouvant leur travaux (publication des stages, des travaux réalisés, séquences sur la prise de poste, etc).

Quelle est la position du COD3S vis-à-vis de la FHF ?

La FHF est une fédération, elle défend les intérêts du sanitaire et du médico-social, avec des élus. Nous pouvons être partenaires, travailler ensemble sur certains sujets. Je suis moi-même responsable à la FHF sur le 92.

Le COD3S est là pour donner de la visibilité à notre métier : on n'est pas dans la revendication ni dans le lobbying. Nous voulons montrer ce que sont nos métiers, et regrouper les professionnels du secteur afin qu'ils se sentent mieux et évitent le découragement devant l'ampleur des tâches. Nous sommes également très attachés au secteur public. Pour nous le service public n'est pas un vain mot, c'est très important. Si on est là c'est parce qu'on l'a choisi. Nous sommes attachés à ce que représente l'offre publique de prise en charge auprès des personnes âgées. C'est un paramètre fondamental dans la création de l'association qui est et qui reste une association de directeurs d'établissements publics.

Les D3S exercent un métier aux multiples facettes : le directeur exerce ses fonctions dans les maisons de retraite publiques, les établissements publiques départementaux d'aide sociale à l'enfance, les établissements publics de personnes handicapées ou inadaptées, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, ou dans les établissements publics de santé : c'est très large.

Vous portez un certain nombre de problématiques ?

Le métier de directeur, quel que soit le secteur, est un métier de service aux usagers et notamment aux personnes vulnérables. Nous échangeons beaucoup entre nous, sur une harmonisation des pratiques, sur des idées de prise en charge. L'idée est de communiquer sur les innovations et d'informer sur ce qui est fait dans les différents secteurs via le site internet, le compte Twitter ou la newsletter.

On parle beaucoup de la réforme du système de santé, de la loi sur le vieillissement ou de la fusion des deux corps de Directeurs (D3S et DH), chacun a ses idées, de là à porter des revendications au nom du COD3S, non, ce n'est pas l'objet de l'association. D'autres le font très bien à notre place. On sent toutefois qu'il y a une urgence à réformer le corps. Nos fonctions ne sont pas simples car nous sommes à la fois chefs d'orchestre et hommes orchestres. Aujourd'hui le constat est que le métier attire moins. Beaucoup de collègues vont travailler à l'hôpital parce qu'il y a une différence statutaire et de rémunération. Cela entraîne une hémorragie importante que l'on constate d'année en année. Il faut que les décideurs prennent la mesure de cette urgence et agissent.

La réforme des GHT en 2016 va-t-elle faire bouger les lignes ?

Oui, la loi prévoit pour les établissements de santé de se réunir en GHT. Les établissements médico-sociaux n'ont pas cette obligation mais une incitation. Aujourd'hui nous pensons que notre priorité n'est pas d'aller dans des GHT. Les CHT, en leur temps, ont été un fiasco. Ce qui montre que le regroupement doit se faire de manière réfléchie et non dans la précipitation. C'est déjà compliqué de réunir autant d'établissements de santé alors ajouter une problématique supplémentaire aux problématiques existantes...

Nous préférons d'abord nous regrouper entre établissements du médico-social. Par exemple dans le 92 nous nous regroupons en GCSMS, EHPAD et Handicap. Nous essayons de monter une structure avec des fondations solides, et après dans un second temps, on ira voir le GHT du secteur. Que les choses soient bien claires. Nous ne sommes pas contre les GHT. Regrouper des établissements médico-sociaux, cela va très vite, d'autant que les directeurs sont en capacité de se regrouper et on une logique commune de prise en charge. Il sera ensuite plus facile d'intégrer le GHT qui sera une superstructure de plusieurs établissements de santé. Alors seulement nous serons visibles à l'intérieur. Un petit établissement de 100 lits qui va se raccrocher à un GHT n'aura pas la même importance qu'un groupement de 12 établissements qui va représenter plus de 1000 lits. Les établissements ne peuvent plus rester isolés. Il faut travailler ensemble, harmoniser les pratiques, les procédures, avec une logique de territoire. Une fois cela réalisé, nous irons vers le GHT.

Il y a un très fort intérêt à mutualiser ?

Oui si l'hôpital nous envoie une personne et si c'est urgent, le fait d'être regroupés à 12 établissements nous permettra de trouver une solution plus facilement que ce soit pour de l'hébergement permanent ou de l'hébergement temporaire, une plateforme de répit, ou pour un SSIAD. Notre offre sera très large et nous permettra aussi de répondre à des appels à projets, ce qui était compliqué quand nous étions seuls.

Avoir les mêmes objectifs, négocier ensemble, travailler ensemble avec les personnels, faire des formations communes, dans le sens du service public, c'est le principe du GCSMS.

Quelle est la réaction des professionnels à la création du COD3S ?

Elles sont très positives. Il y a un déficit de communication ressenti par tous. Il faut montrer qu'on existe, que nous faisons un travail qui a ses particularités. Nous sommes formés pour travailler dans tous les secteurs, il n'y a pas de cloison étanche entre le sanitaire et le médico-social et nous seront tous amenés à travailler dans les différents secteurs. N'oublions pas que des D3S sont aussi directeurs ou directeurs-adjoints d'établissements de santé. Nous sommes tous dans la logique de proposer la meilleure prise en charge possible que ce soit dans le curatif ou le médico-social. Les deux secteurs travaillent en permanence ensemble. Les opposer est un non-sens.

Vous avez plaisir à faire ce travail malgré les contraintes ?

Oui parce que nous avons ce sens du service à l'autre. Il faut être directeur militant dans le sens où nous sommes dans la recherche de la meilleure proposition de prise en charge. C'est compliqué car ici la moyenne d'âge est de 87 ans. Quand j'ai commencé ce métier il y avait encore des résidents qui avaient leur voiture. On sent que chaque année il y a une évolution vers moins d'autonomie ce qui pose le problème de la prise en charge, des fins de vie, de la prise en charge la nuit sans infirmière. On s'organise avec des HAD et nous sommes capables de faire ce que fait un USLD. Mais il faudra continuer de proposer une offre avec une accessibilité économique cohérente. C'est le sens du service public que nous poursuivons tous.

Aurez-vous des rendez-vous en 2016 ?

Oui, nous allons essayer d'être présent au Salon de la Santé, et on va organiser un congrès soit juste avant l'été, soit au deuxième semestre 2016. Nous présenterons également l'association à la nouvelle promotion de l'EHESP, afin de créer un lien entre les élèves et ceux qui prendront leur poste au 1er janvier.

Quels sont les 3 mots clés de votre action ?

Fédérer les énergies, créer du lien avec l'école, service public.

Note :

Joseph Magnavacca est directeur de l'EHPAD du Parc à Fontenay-aux-Roses depuis septembre 2011, et de l'EHPAD Renaudin à Sceaux depuis juillet 2014.

http://www.cod3s.net

https://twitter.com/cod3s_national

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