Dans le n° 140-juin 2022  - Droits des usagers  12934

CVS : une réforme au milieu du gué

Un décret du 25 avril élargit la composition et les compétences des conseils de la vie sociale, mais l'effectivité des droits des résidents sera-t-elle pour autant au rendez-vous ? La question reste posée.

« Ce qui était une obligation innovante dans la loi de 2002 est devenu trop souvent une coquille vide »... À mission flash, constat choc ! À la suite des révélations de Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale avait lancé mi-février quatre missions flash. L'une, confiée à Gisèle Biémouret, Agnès Firmin-Le Bodo et Valérie Six, portait sur le rôle des proches dans la vie des Ehpad. Après des auditions menées tambour battant, les trois députées ont rendu le 2 mars un verdict accablant : tous types d'établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) confondus, un conseil de la vie sociale (CVS) sur 50 fonctionne correctement... quand il est mis en place, ce qui est rarement le cas faute de contrôle et faute de sanction. Lors de son audition par la commission parlementaire du Sénat sur le contrôle des Ehpad, le 29 mars, la ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, avait annoncé une réforme des CVS pour en faire « des lieux de dialogue, de démocratie, mais aussi parfois, des lieux de contre-pouvoir contre les pratiques de certains groupes commerciaux » évoquant la libération de la parole des résidents, des familles et des personnels comme « un puissant moteur et un gage in fine de qualité pour nos concitoyens ».

Une composition...

Très attendu, le décret n° 2022-688 du 25 avril applicable au 1er janvier 2023 élargit la composition et le champ de compétences des CVS - avec l'obligation d'élaborer un règlement intérieur.

Les CVS comprendront désormais un noyau obligatoire commun aux ESMS de deux représentants des personnes accompagnées, un représentant (élu) des professionnels employés, un représentant de l'organisme gestionnaire ; et selon le type d'ESMS, un représentant d'associations, des familles ou proches aidants, des représentants légaux des personnes accompagnées, des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, des bénévoles, le médecin coordonnateur et un représentant des membres de l'équipe médico-soignante.

Le nombre des représentants des personnes accompagnées d'une part, et de leur famille ou de leurs représentants légaux d'autre part, doit être supérieur à la moitié du nombre total des membres du conseil.

Nouveauté importante : des élus locaux, personnes qualifiées, ou représentants de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation du conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie et du Défenseur des droits peuvent demander à assister aux débats du CVS.

... et des compétences élargies

Les CVS continueront de donner leur avis et faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de l'établissement, sur les mêmes thèmes et dans les mêmes termes que définis depuis 2010 par l'actuel article D. 311-15 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) : activités et animation socioculturelle, projets de travaux et d'équipements, affectation des locaux collectifs, modifications substantielles touchant aux conditions de prise en charge...

Mais ils seront désormais aussi associés à l'élaboration ou à la révision du projet d'établissement, en particulier son volet portant sur la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance, et ils seront entendus lors de la nouvelle procédure mise en place par la réforme de l'évaluation des ESSMS, informés de ses résultats et associés aux mesures correctrices à mettre en place.

Dans le cas où le CVS est saisi de demandes d'information ou de réclamations concernant des dysfonctionnements graves, son président oriente les demandeurs vers les personnes qualifiées, le dispositif de médiation ou le délégué territorial du Défenseur des droits.

À noter : dans le cadre de la nouvelle évaluation, les établissements devront réaliser chaque année une enquête de satisfaction sur la base de la méthodologie et des outils élaborés par la Haute Autorité de santé. Les résultats de ces enquêtes seront affichés dans l'espace d'accueil de ces établissements et seront examinés tous les ans par le conseil.

Le « no comment » du secteur

Manque de portée ? De fait, la réforme apparaît comme au milieu du gué. En tout cas, la parution de décret s'est accompagnée... d'un « no comment » du secteur médico-social, pris il est vrai dans un tourbillon d'actualités : scandale Orpea, contrôles, réforme de l'évaluation...

Est-ce aussi parce que sans sanction, il n'y a guère de raison que les CVS marchent mieux ? Qu'ils ont été une quantité totalement négligeable lors de la crise sanitaire ? Qu'ils n'ont toujours pas pour mission de traiter des situations personnelles et, comme l'écrit l'ancien ministre Claude Évin, avocat, dans un livre-plaidoyer pour la médiation[1], de «  contribuer à trouver des réponses apaisées aux différends » ? Surtout, pour de nombreux observateurs, les CVS ne sont qu'une pièce du puzzle « droits des résidents » à remettre d'aplomb. Cela a été l'ambition de Claire Hedon, la Défenseure des droits, autrice en mai 2021 d'un rapport remarqué sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad, notamment à la lumière de la crise sanitaire. Elle y a mis la barre à la hauteur d'un enjeu de société.

Un an après, un nouveau rapport, de suivi cette fois, sera rendu public fin juin. Nul doute qu'il remettra une pièce dans la machine.

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