Membre de l'équipe de campagne du candidat François Hollande (Parti Socialiste), Danièle Hoffman-Rispal n'a qu'un credo : l'humain ! A moyens constants, la prise en charge de la perte d'autonomie peut être meilleure. Comment ? En simplifiant les outils et en misant sur le dialogue entre intervenants, institutions ou personnel soignant.
D'abord, gagner en efficience
Comment le projet de François Hollande intègre-il la prise en charge de la dépendance ?
D'abord, je préfère qu'on parle d'autonomie plutôt que de dépendance. De même, je parle de soutien à domicile, pas de maintien à domicile. La sémantique est importante. Quand on aura changé cela, les choses auront déjà avancé !
François Hollande va préciser son projet dans son discours du 22 janvier. Personnellement, j'ai une éthique et j'aime le " parler vrai ", pour reprendre les termes de Michel Rocard. La situation économique est difficile, on ne peut pas tout faire. Ma philosophie est qu'il faut faire peu de promesses mais les tenir. Cela étant dit, tout n'est pas une question de budgets. Regardez : déjà, à moyens constants, il y a des choses à étudier.
Expliquez-nous...
On peut commencer par s'intéresser à la qualité, que ce soit à domicile et en établissement. Lors du débat du printemps 2011 sur la réforme, dans le groupe numéro 3 ( " Accueil et accompagnement des personnes âgées "), nous avons beaucoup débattu sur la qualité, l'humain. Je crois à la mise en place du case management *, pour partager l'information et avancer ensemble, et ainsi faire des gains de productivité. Dans le 20è arrondissement, j'avais créé une expérience intéressante pour une meilleure prise en compte de la personne dans la gestion de son parcours de vie. Parce qu'aujourd'hui, que ce soit à domicile ou en établissement, les intervenants se parlent peu.
Il faut également travailler sur les outils. L'outil Pathos est-il encore adapté ? Pas sûr. Il faut revoir la grille AGGIR. En effet, la perte d'autonomie a évolué, on reste à domicile beaucoup plus longtemps qu'auparavant... Les CLIC (Centre Local d'Information et de Coordination) sont-ils opportuns ? Rares sont ceux qui les connaissent. Quand ils ont une demande, les Français s'adressent à leur mairie en priorité. Mais à la mairie, les personnels connaissent-ils les CLIC, sont-ils formés pour orienter les demandes ? On peut poser la même question pour les médecins-traitants. Sont-ils formés, connaissent-ils les dispositifs ? En établissement, il y a aussi à faire, par exemple en matière de relations entre médecins-traitants et médecins-coordonnateurs. Il faudrait aussi travailler sur la formation initiale _ beaucoup plus économique que la formation professionnelle. On pourrait ainsi insérer des modules sur la gérontologie dans toutes les formations et ouvrir les étudiants sur des approches non-médicamenteuses comme Humanitude.
Il y a beaucoup de chose à clarifier et qui pourraient améliorer le quotidien des personnes âgées. La définition des postes par exemple. Qui lave les dents d'une personne âgée quand elle ne peut plus le faire elle-même ? L'aide à domicile, l'aide-soignant, l'infirmière ? On ne sait pas. En conséquence, ce n'est pas toujours fait. De plus, les prothèses dentaires sont souvent abîmées ou bien inadaptées. Pourtant l'hygiène bucco-dentaire est essentielle, elle donne accès aux plaisirs de la table, un plaisir important en fin de vie... La CPAM peut mettre en place des protocoles pour réparer les prothèses dentaires, il suffit d'une convention avec les acteurs locaux.
Faut-il revoir aussi l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie) ?
Les départements savent gérer l'APA et la perte d'autonomie, ils l'ont prouvé depuis des années. Pourtant nous sommes dans une situation compliquée. D'une part, l 'Etat doit des sommes énormes aux départements et pas seulement au titre de l'APA, mais aussi au titre du RSA et de la PCH. D'autre part, les appels à projet qui émanent des ARS (Agences Régionales de Santé) ne sont pas forcément en phase avec les souhaits des départements. Il faut des tables-rondes pour confronter les points de vue. La matière est là, on sait beaucoup de choses : il y a eu les rapports des groupes de travail Bachelot _ je tiens à souligner la grande qualité des intervenants de ces groupes, le rapport de l'ADF (Association des Départements de France),...
Tout n'est pas qu'une question d'efficience. Il faudra aussi trouver des fonds pour financer la réforme de la dépendance...
Le financement de la perte d'autonomie doit s'appuyer sur un socle public - et non pas sur des assurances privées, comme Valérie Rosso-Debord l'a mis en avant dans son rapport... je ne peux pas être d'accord avec cette idée. La grande réforme fiscale que François Hollande s'est engagé à mener va libérer les marges de manoeuvre nécessaires à l'établissement d'une vraie amélioration de l'autonomie des personnes âgées. Cette réforme est un levier essentiel du prochain quinquennat. Il y a plus de 500 niches fiscales et elles représentent environ 70 milliards d'euros ... Le bouclier fiscal, qui plafonne l'imposition globale des gros revenus, a coûté très cher à la France : nous ne céderons plus à ce genre d'amateurisme budgétaire avec François Hollande !
Avec le contrat de génération, le projet de François Hollande donne la part belle aux jeunes. Quelle place reste-t-il aux aînés ?
Le contrat de génération va favoriser la mise en place d'un cercle vertueux qui impactera toutes les tranches d'âge. Le contrat de génération vise d'abord à inciter, par une aide financière, les entreprises à embaucher des jeunes arrivant sur le marché du travail. Le contrat de génération oeuvre aussi au maintien de l'emploi des seniors puisque ce sont ces seniors qui formeront les jeunes. Cela générera de la consommation, de la croissance et des moyens. Les jeunes auront des emplois, les seniors aussi, et ils verront leurs retraites s'améliorer et resteront actifs. Chacun sait que l'activité est un facteur de prévention de la perte d'autonomie. Il faut donner des moyens à la prévention, elle est pour l'instant et à tort délaissée...
La prise en charge des personnes âgées souffre d'un manque d'attractivité. Comment faire venir les soignants dans ce secteur ?
C'est vrai, j'ai souvent constaté ce manque d'attractivité. Lors d'un forum sur l'emploi à la Mairie de Paris, j'étais au stand Personnes âgées et je voyais tout le monde aller vers la petite enfance. S'occuper d'un enfant - ou d'un malade- est une belle mission, l'avenir est souriant. S'occuper d'une très vieille personne peut sembler plus difficile car cela oblige à regarder la mort...
Cela étant dit, il y a des pistes pour faire venir des gens dans ce secteur, par exemple l'insertion professionnelle des exclus de la société, après bien sûr une formation. Cette piste concerne surtout les femmes. Le Service Civique volontaire est une autre piste. Nous avons d'ailleurs auditionné Martin Hirsch dans ce sens, lors de nos travaux avec le groupe d'études longévité que je co-préside à l'Assemblée nationale. En emmenant les jeunes à domicile, en les faisant démarrer avec des lectures ou des promenades, on peut les faire changer de regard et créer l'envie de rejoindre le secteur.
Il faut revoir la VAE (Validation des Acquis de l'Expérience) et le coût des formations, et ce dernier point pour deux raisons. Trop chères, les formations ne sont pas accessibles. De plus, elles ont un effet pervers sur la prise en charge. Ainsi les structures qui forment bien leurs équipes affichent ensuite un taux horaire plus élevé que les autres. La qualité a un coût ! C'est normal mais le comprendre relève d'une question culturelle. Certaines familles choisissent parfois des structures aux services moins coûteux mais aux équipes moins bien formées. Heureusement, on voit arriver une génération de personnes de soixante ans qui sont prêtes à payer plus cher pour avoir un service de qualité.
Si François Hollande est élu, voudra-t-il un Secrétariat d'état dédié aux personnes âgées ou un secrétariat transversal ?
Si François Hollande est élu, le gouvernement sera resserré, rigueur budgétaire oblige. Un secrétariat plus large permettra de créer des synergies entre des problématiques connexes : handicap, etc. Vous me permettrez cependant de laisser à François Hollande le choix de se prononcer sur cette délicate question, avec son Premier Ministre, après son élection !
* Le Case Management est une méthode de travail qui permet de coordonner les interventions des différents acteurs par-delà les frontières institutionnelles et professionnelles.
Biographie express
Elue au Conseil municipal du onzième arrondissement et au Conseil de Paris dès 1995, Danièle Hoffman-Rispal a été adjointe de Bertrand Delanoë en charge des personnes âgées de 2001 à 2008. Depuis 2002, elle représente la 6è circonscription de Paris à l'Assemblée nationale. Membre de la Commission des Affaires Sociales, Danièle Hoffman-Rispal s'intéresse plus particulièrement aux questions d'autonomie des personnes âgées et d'emploi et aux comptes de la sécurité sociale. Elle préside avec Denis Jacquat le groupe Longévité de l'Assemblée Nationale.