Dans le n° 42-mars 2014  -  Coopération dans le secteur PNL  3949

De gré plutôt que de force

La coopération progresse dans le secteur privé non lucratif. Les établissements encore indépendants ont tout intérêt à prendre les devants. Sandrine Demesse, associée du cabinet KPMG et spécialiste dans le secteur médico-social et social, fait le point sur les formes de coopération existantes.

L'enquête KPMG menée auprès des structures médico-sociales et sociales du secteur privé non lucratif * le dit clairement : pour 56 % des sondés, la principale évolution du secteur portera sur les regroupements d'opérateurs sur des logiques financières et d'optimisation des moyens ou sur des convergences de valeurs et de projets. L'enquête pointe aussi les deux principales faiblesses des structures?: les contraintes financières et la gouvernance.

Face à ces constats et sous l'influence des Conseils Généraux et des Agences Régionales de Santé, la coopération s'annonce inéluctable.

Le paysage privé non lucratif se restructure. Pourquoi ?

Un mouvement de concentration, propre habituellement du monde marchand, gagne le secteur non lucratif. Les raisons en sont les suivantes :

- une contrainte économique : à l'initiative des autorités de tarification et pour faire face à des contraintes budgétaires de plus en plus serrées.

- une caractéristique propre à l'environnement associatif : beaucoup de mono-établissements cherchent des partenariats avec des établissements ayant les mêmes enjeux.

- une volonté politique : une concentration du secteur privée non lucratif renforcera les échanges entre les établissements et les autorités.

Chaque établissement sera donc concerné à plus ou moins long terme.

Se regrouper, dans quel but ?

Les effets recherchés sont différents selon les acteurs. On peut citer :

- l'accroissement du professionnalisme : un regroupement peut renforcer le dynamisme des structures rapprochées et leur permettre de s'enrichir de nouvelles compétences

- la mutualisation des moyens : administration, locaux, médecin-coordonnateur, informatique...

- le renouvellement de la gouvernance : il est de plus en plus difficile pour les établissements de renouveler les membres de leur CA notamment face aux responsabilités que cela induit.

- l'arrivée de nouvelles obligations réglementaires, par exemple les directives européennes en matière d'appels d'offres ou d'appels à projets.

Quelle forme de coopération choisir ?

Il existe quatre formes principales de coopération. Le choix dépendra des objectifs des parties prenantes et de leur maturité sur le projet de rapprochement.

1. Le mandat de gestion/convention de gestion

Il s'agit d'un contrat dans lequel une association demande à une autre association de gérer une de ses activités. C'est la formule la plus simple dans laquelle chaque personne morale conserve son identité juridique propre.

Le contrat doit être validé par les deux conseils d'administration. Il est prévu généralement pour un an et est renouvelable par tacite reconduction.

Exemple : une association pilotant un Ehpad temporairement sans directeur peut confier la gestion de cet établissement à une autre association, avec un mandat de gestion.

2. L'apport partiel d'actifs

Par une convention, une structure transmet à une autre de façon définitive une branche de son activité marginale, non rentable ou incohérente avec la stratégie. L'objectif est d'assurer la continuité du service pour les usagers.

L'activité est cédée :

- avec les ressources associées (équipes, moyens).

- le plus souvent sans contrepartie financière

Exemple : une association pilote un EHPAD et un logement-foyer éloigné de l'Ehpad. Elle peut décider d'apporter le logement-foyer à une autre association spécialisée.

3. La coopération institutionnelle (GIE/GIP/GCSMS) dans une optique de mutualisation

GIE : groupement d'intérêt économique

GIP : groupement d'intérêt public

GCSMS?: groupement de coopération sociale ou médico-sociale

Chaque structure conserve son identité juridique?: une nouvelle entité est créée pour assurer la mutualisation. Celle-ci peut regrouper les activités en tant que telles (EHPAD...), piloter les autorisations d'exploitation, fédérer les fonctions support (informatique, ressources humaines...).

Les regroupements permettent de maintenir les personnes morales existantes. Ils présentent quelques inconvénients?: nécessitent une coopération étroite entre les membres, laquelle doit être structurée en amont, caractéristiques des GCSMS peu connues de l'administration fiscale...

Ils permettent néanmoins de renforcer la compétence des acteurs et la polyvalence pour proposer des offres de qualité.

Exemple : trois Ehpad et un SSIAD mettent en commun leurs activités de ressources humaines. Ils montent des actions de formation communes et bénéficient de meilleurs tarifs.

Remarque importante?: Ces coopérations doivent faire suite à un choix délibéré et ne sont pas à considérer comme une période de test anticipant une potentielle fusion car pour passer d'un GCSMS à une autre structure, il faut tout " déconstruire " et tout reconstruire ensuite...

4. Fusion

Le secteur non lucratif gagne en maturité aussi on voit les fusions entre associations se multiplier. La crainte de perdre son identité laisse place à l'intérêt des complémentarités et à la perspective d'un meilleur service aux personnes âgées.

Fusion-absorption ou fusion-création, la fusion est une forme de coopération très engageante et irréversible.

Dans une fusion-absorption, un établissement se fond dans un autre : il apporte 100?% de son patrimoine et de ses activités et perd son identité juridique.

Dans une fusion-création, une nouvelle structure voit le jour.

Le fait d'avoir une seule personne morale peut simplifier la gestion et permettre des économies.

C'est toutefois une démarche intellectuelle longue. Elle nécessite une communication régulière et très en amont avec les équipes. Une fusion peut prendre un an ou plus.

Comment réussir sa coopération ?

La coopération va impacter durablement l'activité de la structure, ses équipes, ses bénéficiaires. De fait, le recours à un acteur extérieur et spécialisé peut être d'une grande aide. Il interviendra sur les points suivants : diagnostic, étude de l'environnement concurrentiel, analyse des intentions du conseil d'administration, définition des objectifs, recherche de partenaires, montage, communication...

* Secteur Social et Médico-social : Regards croisés, Enjeux et perspectives - 2012

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