Alors que bientôt le président de la République présentera son projet de réforme de la " dépendance " (je ne reviens pas sur la question sémantique), il est bon de poser quelques réflexions à propos de l'action publique et des solidarités. Face aux contraintes financières qui pèsent sur l'État (endettements multiples), mais aussi au nom de la recherche d'efficacité, la question se pose de déterminer les meilleurs leviers d'action. On notera aussi que le politique tend à favoriser toujours l'investissement dans le " dur ", (ce qui se voit, ce qui est télégénique) plutôt que dans le service, le lien, le flux (bref ce qui est difficile à saisir en image, ce qui produit peu de symbole).
De l'assistance à l'accompagnement
Il faut essayer d'inventer une dynamique solidaire permettant de dépasser les fonctions et les contradictions de l'État Providence pour assurer le vivre ensemble dans une période de déstructuration des liens et des statuts. Penser, par exemple, la protection sociale en fonction de la personne et non de son statut. Il s'agit d'inverser le processus profondément inégalitaire qui frappe les salariés et les autres actifs, dont la protection sociale n'est pas liée à leurs talents, leurs utilités à la collectivité ou à leur travail, mais vient le plus souvent de leur statut et de leur place dans le système de production. Il faudra penser en termes de portabilités des droits afin qu'ils suivent le parcours biographique de la personne et l'accompagne dans ses évolutions, qui peuvent aller de mener une formation pour évoluer professionnellement à répondre à l'appel à la solidarité d'un proche. La solidarité implique des contreparties, une réciprocité. Si la solidarité se traduit par l'instauration de mécanismes qui viennent en soutien des plus faibles et qui assurent le vivre ensemble (retraite par répartition, Sécurité sociale...), elle doit aussi contribuer à faire évoluer les comportements sociaux, notre prise en compte de l'Autre, du différent. La solidarité conforte et approfondit la démocratie à travers ces deux approches. On peut mettre en perspective la question des solidarités avec les enjeux de l'économie, au sens où une plus grande efficacité de l'économie peut être fondée sur la coopération. La traduction opérationnelle de cette approche passe par un approfondissement de l'État et de ses solidarités institutionnelles. La protection sociale est d'abord source de dignité et d'autonomie sociale des personnes. Mais il ne s'agit plus de faire pour et à la place des personnes mais de faire avec. Il convient aussi d'interroger la notion de service universel, le soutien à l'autre, le soutien aux autres ne peut se réduire à une approche uniforme et standard, En définitive s'inscrire dans la notion d'un "État accompagnant" en lieu et place de l'État providence, conduit à passer de la notion d'assistance et de passivité à celle d'accompagnement et de mouvement. A l'État de se mettre au service de la société accompagnante, en mettant en place un cadre plus favorable aux associations, au mouvement coopératif, à l'initiative de citoyens, à l'innovation sociale . Ce implique une révolution culturelle pour que les structures étatiques ne soient pas dans des logiques de surveillance, de contraintes, de monopoles de l'initiative, mais qu'elles proposent un cadre favorable et sécurisant pour libérer les initiatives et favoriser les démarches de soutien. Il ne s'agit pas de laisser l'individu seul face à ses projets, face à ses contraintes, mais de lui proposer un cadre et des soutiens pour développer ses projets en fonction de sa capacité propre d'autonomie.