Denis Lhuillier, directeur de l'EHPAD " Notre Maison " du CCAS Nancy qui accueille 115 résidents dont quelques couples, gérontologue, formateur et conférencier, a participé à la rédaction d'un livre sur la sexualité des personnes âgées.
Denis Lhuillier
Comment vous est venue l'idée de faire un livre sur la sexualité des personnes âgées ?
J'ai été interviewé par une journaliste de France Culture sur les amours de vieillesse et à partir de là s'est enclenché tout un travail avec le groupe Humanis, sur la représentation de la sexualité des personnes âgées et sur la place qu'elle peut avoir dans les EHPAD. A cette occasion j'ai découvert que je ne m'étais jamais intéressé vraiment à ce sujet mais plutôt à leur liberté d'être et de continuer à être des individus jouissant de toutes leurs libertés, y compris en établissement d'accueil.
De ce fait, puisque les personnes restent des sujets, ils sont sensibles à la séduction et au plaisir de séduire...
C'est un secteur où il y a des tabous très forts. Est-ce qu'on laisse les gens libres d'exprimer leur sexualité ou leurs sentiments dans les établissements ?
Je me bats justement contre l'expression "laisser libre" parce qu'on pourrait ne pas les laisser libre et qu'on aurait un pouvoir... Je crois que simplement si on respecte les libertés fondamentales des résidents, telles que celles d'aller et venir, de choisir avec qui on s'entend ou avec qui on s'entend pas, on se retrouve dans une situation de vie quotidienne.
Je crois qu'en établissement, avec la complexité qu'apportent les incapacités des uns et des autres, et l'exiguïté des locaux, c'est difficile. Mais après tout les étudiants arrivent bien à s'aimer, en résidence universitaire, dans des chambres de 9 mètres carrés...
Est-ce qu'il y a une limite d'âge ?
Moi je ne la connais pas. Je crois qu'au delà de 90 ans il y a des choses encore possibles, mais je ne suis pas allé vérifier...
Qu'avez-vous mis en place dans votre établissement ?
Nous avons mis en place le respect de toutes ces libertés et la possibilité, puisqu'il y a des chambres de couple, pour les couples qui viennent ou pour les couples qui se forment dans notre maison, de vivre dans un appartement commun. Bien entendu, ce n'est pas du F3 ou du F4, mais une chambre appartement de 25 à 30 m2. Notre rôle s'arrête à savoir si chacun des deux partenaires y trouve son compte, et de vérifier que l'un des deux n'est pas sous l'influence de l'autre, ou sous une influence tellement importante qu'il subirait des actes qu'il ne souhaiterait pas subir.
Au delà de la sexualité, y a-t-il la place pour l'affectivité ?
Quand on parle de relations amoureuses, on parle de toutes les manifestations qui vont de l'échange de regards jusqu'aux caresses qu'on peut imaginer. On n'autorise pas à vivre en chambre que ceux qui ont une pratique sexuelle. On permet de vivre ensemble, en fonction de la disponibilité des chambres de couples, tous ceux qui le souhaitent.
Comment abordez-vous ce sujet dans votre livre ?
Autour de ce thème, nous avons mené, avec le groupe Radiance Humanis, une douzaine de conférences sur tout le territoire, et il nous est apparu comme une évidence d'aller plus loin. Humanis a développé un CD ROM avec le contenu des conférences, et nous avons écrit un livre à plusieurs mains, avec des directeurs d'EHPAD, des juristes, un psychiatre, une spécialiste en santé publique. Chacun a écrit sa partie pour balayer tous les aspects de ce thème, y compris l'aspect psychologique et psychiatrique, et comment c'est vécu par les personnes elles-mêmes.
Une évolution du personnel des établissements est-elle à envisager?
Oui cela nécessite de la formation, car nous avons nos propres représentations de notre vie affective et sexuelle, de celle de nos parents. Il faut qu'on soit capable de dépasser tout ce qui peut nous limiter dans l'acceptation de cette vie-là. L'idée que les vieux fasse l'amour c'est un peu dégoutant, et en plus on a aussi de vieux homosexuels... Il faut l'accepter et les respecter.