Dépassionner les conflits éthiques
Les décisions médicales soulèvent souvent des questions difficiles sur le plan éthique. Créé en accompagnement de la loi des droits des malades du 4 mars 2002, le Centre Ethique Clinique (Cec) de l'hôpital Cochin (AP-HP) est à la disposition des patients et des soignants en accordant autant d'importance à la parole de chacun.
Face à des choix complexes, que décider et qui doit décider ? Les médecins ? Le patient ? Les proches ? Le Cec propose une sorte de " médiation éthique " à tout moment d'un parcours médical lorsqu'une décision pose question et met en cause un conflit de valeurs.
" Notre mission principale consiste à aider à ce que le dialogue puisse se renouer entre les différentes parties en mettant à plat la question posée, son contexte et les arguments des uns et des autres, explique Véronique Fournier, responsable du Centre. Le mot éthique apaise les tensions et fait ressortir le meilleur de chacun aux fins de trouver ensemble ce qui semble être la moins mauvais des solutions. Il s'agit de trouver un chemin entre le respect de la liberté de chacun et le devoir de soigner et d'accompagner. " Le Cec ne rend aucun avis médical, il émet des recommandations toujours élaborées par l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire du Centre constituée de soignants et de non-soignants, psychologues, philosophes, sociologues, juristes, théologiens et autres représentants de la société civile. La décision reste toujours de la responsabilité du médecin en charge du patient.
Agir pour le patient plutôt que pour soi
Le Cec intervient bien entendu souvent dans des dossiers concernant des personnes âgées. Certains médecins peuvent considérer que telle vie doit continuer d'être maintenue quand le patient concerné ou ses proches considèrent que le chemin a été parcouru et que la vie à tout prix n'a plus forcément de sens. Le conflit est aussi souvent entre des positions rigoureusement inverses, les médecins considérant qu'ils sont dans l'acharnement thérapeutique à poursuivre dans ce cas-là, quand les familles en veulent , elles, encore davantage. " Comment aider ? Quels principes doivent nous guider ? Aller vers une solution qui serait en harmonie avec la vie passée, les valeurs et les croyances du patient est une piste qui nous semble parfois judicieuse, reprend Véronique Fournier. Il est essentiel de remettre le patient au centre du dialogue même s'il ne peut plus décider ou s'exprimer lui-même. Cela passe le cas échéant par des échanges entre les proches et le personnel soignant pour tendre vers la solution la plus respectueuse de la personne et de ce qu'elle a été. " Agir pour le patient plutôt que pour soi ... c'est dans ce sens que cherche à travailler le Cec.
Et Véronique Fournier de conclure : " Ce n'est pas simple de mourir de vieillesse aujourd'hui en France, l'accompagnement n'est pas optimal, surtout en maison de retraite. La solution serait d'installer une unité de soins palliatifs dans chaque EHPAD, mais c'est irréaliste. Pour une personne âgée, le bien-mourir reste une question entière dans notre pays, que l'on termine ses jours en EHPAD ou chez soi. "
Laurent Jacotey
En savoir plus : 01 58 41 22 33 / ethique.clinique@cch.aphp.fr