Démarche étayée et outillée par des chercheurs canadiens, la déprescription fait son chemin dans la lutte contre l'iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées.
Déprescription : la démarche venue du Canada se mondialise
Via le site ameli.fr, la « déprescription » vient de faire son entrée dans les conseils aux médecins mis en ligne par l'assurance-maladie en matière de prévention du risque d'iatrogénie chez les 65 ans et plus, sous forme de réponses à deux questions.
Quand déprescrire ?
Différentes situations peuvent être l'occasion de se poser la question de la déprescription :
- un patient vient pour un renouvellement et se sent bien : il peut ne plus avoir besoin de son médicament ;
- un patient vient consulter car il ne va pas bien : s'il prend des médicaments et qu'aucun diagnostic étiologique n'est posé, toujours évoquer la responsabilité des médicaments et envisager une déprescription ;
- un patient vient de démarrer un traitement et se plaint d'effets indésirables : arrêter le médicament et analyser l'évolution et l'indication initiale ;
- un patient polymédiqué âgé présente une pathologie aiguë, éventuellement fébrile. Cette situation peut nécessiter une déprescription médicamenteuse en urgence.
Qui déprescrire ?
Les patients cibles pour la déprescription peuvent notamment être ceux :
- atteints d'une maladie à un stade avancé ou terminal victime de démence, en situation d'extrême fragilité et/ou de dépendance totale ;
- présentant un nouveau symptôme ou un syndrome clinique évocateur d'un effet indésirable (chute, confusion, fatigue, etc.) ;
- traités avec des médicaments comportant de nombreux effets indésirables ou des combinaisons de traitements à risque d'interactions ;
- sous médicaments en prophylaxie pour des scénarios sans augmentation du risque de maladie à l'arrêt (par exemple bisphosphonates/statines).
La boîte à outils d'ameli renvoie à des algorithmes canadiens de déprescription.
L'exemple du Canada
En effet, la démarche nous vient du Canada. Depuis plus de 10 ans, des chercheurs de l'Institut de recherche Bruyère et de l'Ontario Pharmacy research collaborative mènent des travaux sur des lignes directrices de déprescription fondées sur des données probantes pour aider à réduire la dose ou à arrêter en toute sécurité les médicaments potentiellement nocifs ou inutiles pour les personnes âgées. Chacune de ces lignes directrices est résumée en un algorithme d'aide à la décision facile à utiliser et une brochure informative. Différentes classes médicamenteuses sont concernées : antihyperglycémiants, antipsychotiques, benzodiazépines, inhibiteurs de la pompe à protons et inhibiteurs de cholinestérase (www.reseaudeprescription.ca/algorithmes).
Le site deprescribing.org/fr a été développé par Barbara Farell, pharmacienne et Cara Tannenbaum, gériatre, pour se faire la courroie de transmission de ces recherches. Objectif ? Le partage d'informations.
La déprescription a commencé à susciter de l'intérêt en France grâce à un colloque franco-québécois organisé début 2019 par la Société de formation thérapeutique du généraliste sur le thème « Déprescription chez la personne âgée : comment agir ensemble ? ». L'expérience de l'Ehpad La Sagesse à Saint Laurent sur Sèvre (85) y avait été présentée par Simon Menendez, alors son médecin coordonnateur et Thibault Spire, généraliste libéral qui y suivait une cinquantaine de résidents.
Depuis ? L'enjeu est devenu mondial. La 2e édition de l'International Conference on Deprescribing organisée à Nantes par le pôle Santé de l'université l'a confirmé les 26 et 27 septembre derniers. Ouvert par une pionnière, le Dr Barbara Farrell, il a réuni près de 200 enseignants, cliniciens, chercheurs de multiples pays et de diverses disciplines. Pour la France, où l'on estime qu'un tiers des plus de 75 ans consommeraient des médicaments qui ne leur seraient pas ou plus adaptés, un symposium s'est penché sur le passé et le futur de la déprescription.