Et si accompagner un proche en fin de vie, ça s'apprenait ? Sur le modèle des premiers secours, une formation gratuite de quelques heures est proposée par la SFAP.

Derniers secours : une formation pour accompagner la fin de vie
Tout le monde connaît la formation aux premiers secours. Beaucoup moins celle pour accompagner la fin de vie. Un concept dit des « derniers secours » initié il y a bientôt une dizaine d'années par un urgentiste allemand dénommé Georg Bollig. Ce parallèle entre les gestes qui sauvent et les soins palliatifs était déjà au coeur de la réflexion de Henry Dunant, le fondateur de la Croix Rouge. Lors de la bataille napoléonienne de Solférino au mitan du 19è siècle, ce dernier s'était penché tout autant sur les blessés que sur les mourants. Délivrée dans vingt-trois pays, la formation Last Aid est arrivée en France grâce à la SFAP (Société française d'accompagnement en soins palliatifs), détentrice de la licence. Ces séances gratuites et ouvertes à tous se proposent de parler de la mort comme faisant partie intégrante de la vie.
Dans une salle de la mairie du Ve arrondissement de Paris, presque trop étroite, une quinzaine de personnes sont au rendez-vous. Les participants, en grande majorité des femmes, sont des proches aidants, des endeuillés qui auraient aimé en faire plus, parfois même des malades dont la fin est proche. « Un quart des participants a récemment vécu un deuil et 30 % accompagnent un proche en fin de vie », constate Clémentine Mathis, chef de projet à la SFAP. Dans un premier temps, les participants sont invités à se présenter et à exprimer leurs attentes, non pas au moyen d'un classique tour de table, mais en choisissant une carte dans un jeu de société. Les images chargées de symboles libèrent la parole sur un sujet trop souvent tabou. Carte en main, chacun partage ses deuils et exprime ses émotions : la peur, l'angoisse, l'impuissance, la culpabilité. « S'il ne s'agit pas d'un groupe de parole ni d'une thérapie, tient à rappeler l'une des deux animatrices, ce sont les expériences partagées qui font la richesse de la formation. »
Des formations construites
Chaque session est animée par un binôme composé d'un soignant et d'un bénévole en soins palliatifs. La formation repose sur quatre modules : les signes de fin de vie, les manières d'anticiper et se préparer, de soulager les souffrances, et l'adieu. Dans la première heure, chaque dimension de la fin de vie, qu'elle soit physique, sociale, spirituelle ou psychique, est longuement analysée. Ensuite, les soins palliatifs sont abordés, selon la formule consacrée de Cicely Saunders, la médecin britannique à l'origine du mouvement palliatif : « Tout ce que l'on peut faire quand on pense qu'il n'y a plus rien à faire. » De manière didactique et concrète, le duo de formatrices présente les différents dispositifs d'accompagnement vers lesquelles se tourner que la personne soit au domicile, en Ehpad ou à l'hôpital. Les slides suivantes traitent de l'importance des directives anticipées, du rôle de la personne de confiance, jusqu'à la possibilité d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès depuis la loi Claeys-Leonetti. Quand est-elle pratiquée ? Comment évaluer le bien-être de la personne sédatée ? Quels médicaments sont utilisés ? Quel est le temps maximal de la sédation ? Tous expriment leurs doutes et inquiétudes. Que dire à un proche qui ne veut plus vivre ainsi ? Comment le rassurer ? Faut-il taire ses soucis du quotidien ? Dire la vérité au malade est-il toujours bénéfique ? À toutes ces questions, les animatrices n'ont pas toujours de réponses, ni de recettes miracles. « Ce qui est important, c'est l'écoute, la présence, le respecte du silence. Être là, tout simplement. On a beau se préparer et anticiper, il y a toujours beaucoup d'incertitudes face à la mort. » Des conseils pratico-pratiques sont néanmoins délivrés pour apporter un peu de réconfort dans ce contexte particulier. Prendre les mains, les caresser, chanter une berceuse, lire une histoire ou raconter de bons souvenirs, mettre une musique apaisante, faire venir un sophrologue ou organiser une séance d'aromathérapie.
Poser des mots concrets
Cette formation permet aussi de vulgariser des notions médicales et répondre à des questions que l'on n'ose pas toujours poser au médecin : quelles sont les différentes méthodes pour la nutrition et l'hydratation artificielle ? L'absence d'appétit, est-ce normal ? Faut-il insister ? « On ne meurt pas parce qu'on arrête de manger et de boire, mais parce qu'on est sur le point de mourir », peut-on lire. Barbara Edda Messi, infirmière à la retraite, explique quelques gestes à effectuer : les soins de bouche pour remédier à la sensation de sécheresse, l'eau que l'on peut épaissir avec de l'agar-agar ou de la gélatine, la nourriture mixée pour éviter les fausses routes. Vient ensuite une présentation des médicaments capables de soulager les derniers instants : la morphine administrée en cas de fortes douleurs et respiration difficile (dyspnée) ou le midazolam pour calmer l'anxiété. « La morphine et ses dérivés sont extrêmement efficaces dans le traitement de la douleur. Pourtant des peurs infondées empêchent souvent sa prescription », déplore l'infirmière. « Non, la morphine ne fait pas tout le temps dormir ni ne rend dépendante. ». Vient ensuite l'adieu au proche « Dire au revoir, c'est important pour la personne qui part, mais aussi pour celui qui reste », relève la formatrice Sabine Capet, bénévole en soins palliatifs depuis presque dix ans.
Et après ?
Le dernier chapitre traite de l'après : le certificat de décès à se procurer auprès du médecin ou d'une infirmière, l'organisation des funérailles, le respect des dernières volontés, l'importance des rituels et traditions, l'annonce aux enfants et leur venue aux obsèques, les sujets sont nombreux. Outre le fait de réconforter et déculpabiliser les accompagnants, la formation vise également à raviver l'entraide et la solidarité envers les personnes endeuillées. Proposer son aide, montrer des petites attentions, écouter et parler du défunt, fait du bien. En revanche, il faut éviter les comparaisons, les jugements hâtifs ou excluants et les phrases blessantes « Au moins elle ne souffre plus », « Il ne faut pas t'enfermer dans ta peine, mais aller de l'avant. » Comme le dit très justement le psychiatre spécialisé dans l'accompagnement à la fin de vie, Christophe Fauré, le deuil est un processus légitime de cicatrisation et d'acceptation, qui seul peut mener à l'apaisement.
Depuis le lancement de l'opération, la SFAP a enregistré la participation de 2800 personnes. En deux ans, 230 formations ont été dispensées dans 60 départements, se réjouit la chef de projet à la SFAP. Son objectif pour 2025 : développer les derniers secours au sein des Ehpad ainsi que pour des mutuelles.