Depuis une dizaine d'années se développent en France, à l'image d'autres pays européens, des centres dédiés aux plaies. Lieux de consultations pluridisciplinaires, ils permettent aussi une prise en charge hospitalière. Le point avec le Dr Damien Barcat, médecin vasculaire au centre hospitalier Robert-Boulin de Libourne.
Des centres dédiés au diagnostic et au soin
Le centre de cicatrisation est un centre ambulatoire qui s'appuie sur des lits d'hospitalisation en médecine vasculaire ou en dermatologie. « Ce centre est multidisciplinaire », précise Damien Barcat. « Les malades qui viennent pour la première fois, sont systématiquement reçus par deux médecins (un dermatologue et un médecin vasculaire) et une infirmière. Tous les examens pour comprendre la plaie (écho-doppler, radios et bilans sanguins) sont réalisés sur place en 45 min. Cela nous permet d'orienter la suite de la prise en charge dès la première consultation ». L'équipe de réadaptation fonctionnelle travaille également au centre de cicatrisation deux fois par semaine. « Elle est constituée d'un médecin, un podologue et un podo-orthésiste, qui nous aident pour les décharges au lit ou de chaussures, semelles... Les malades sont ainsi vus par l'ensemble des professionnels concernés. Les regards croisés sur l'état du patient permettent de gagner un temps considérable. » En cas d'hospitalisation, les patients relèvent soit de la médecine vasculaire, soit de la dermatologie.
Un traitement précoce
La littérature médicale confirme qu'une prise en charge par des centres spécifiques a prouvé une efficacité très claire en termes de durée de cicatrisation et de risque d'amputation. « Il existe encore peu de centres en France car ces dispositifs sont complexes à monter et difficiles à financer. Il n'existe pas de schéma de financement spécifique. On y prend en charge l'ensemble des problèmes. » L'âge moyen des patients dans le centre de Libourne est de 80 ans. « La moitié d'entre eux a une artériopathie des membres inférieurs, qui est généralement sous diagnostiquée. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles plus les patients sont âgés plus les plaies sont graves. Généralement, d'autres maladies et des traitements en cours s'ajoutent. De nombreux patients décompensent à l'occasion de leur trouble trophique des membres, notamment sur le plan cardiaque ou vasculaire... Enfin, les personnes âgées ont souvent une peau très fragile, dénutries, avec des difficultés à se mobiliser, ce qui augmente le risque d'escarres ».
Des formations insuffisantes
Le cursus initial des aides-soignants et infirmiers ne consacre que quelques heures à la thématique des plaies (3 ou 4 h sur les 3 années). « Il y a un vrai déficit de formation, c'est net. Mais certains centres ont développé des modules de formation à la cicatrisation en lien avec l'école d'infirmier. A Libourne, on propose chaque année deux jours de formation sur la base du volontariat aux étudiants en formation mais aussi aux infirmiers déjà en activité mais intéressés par ce sujet. Des DU existent mais sont difficiles d'accès car il y a une forte demande. On observe enfin une courbe d'apprentissage assez importante. Nous avons aujourd'hui d'excellents relais d'infirmiers libéraux, qui travaillent en très bonne synergie avec le centre. Tout le monde a progressé et j'observe un réel intérêt des infirmiers sur ces thématiques. Comme c'est un vrai problème de santé et que cela pénalise beaucoup les personnes âgées, des équipes très efficaces et bienveillantes se sont formées. »
Des Ehpad investis
Pour preuve, le centre de cicatrisation de Libourne a monté un projet qui a reçu un accueil enthousiaste des équipes. « Foot Truck », c'est son nom, met à disposition une équipe mobile qui se rend directement dans les établissements. Composée d'un médecin vasculaire, d'une infirmière du centre et équipée du matériel nécessaire à l'exploration et au soin, dont un échographe portable, l'équipe examine les patients de la même manière qu'à l'hôpital. Dix Ehpad volontaires ont accepté de participer à l'expérimentation. Le but est de raccourcir les délais. Dans le centre, l'équipe voit 10 à 12 nouveaux malades par semaine, avec un délai pour obtenir un 1er rendez-vous de 3 à 4 semaines. « C'est aberrant en terme de cicatrisation », confirme le Dr Barcat. De plus, il ne nous semblait plus acceptable d'imposer 45 min de trajet à des personnes très âgées, qui arrivaient dans des états très inquiétants. Les déplacer le moins possible et les examiner très vite, même pour des toutes petites plaies, avant qu'elles deviennent problématiques, est devenu un impératif. » Après la réalisation de l'examen dans l'établissement, trois options peuvent se présenter. La personne est stable, et l'équipe laisse des ordonnances. Les soins sont réalisés par les infirmières de l'Ehpad ; la personne doit être revue mais à l'hôpital car des examens complémentaires sont nécessaires ; la personne peut être suivie en téléconsultation ou en télé-expertise. Dans ce cas, des consultations sont réalisées sur dossier, rempli par les infirmières sur place avec descriptif clinique et photos de la plaie. L'équipe du centre indique le traitement à suivre et adresse les ordonnances par la plateforme sécurisée. « On ne voulait pas installer de télémédecine en 1ère intention, ajoute le Dr Barcat. Car pour traiter un patient en télémédecine, il faut d'abord le connaître ».
« Les équipes d'Ehpad se sont tout de suite engagées dans le projet manifestant un réel intérêt pour cette problématique. Tous ont répondu positivement à nos sollicitations, se révélant à la fois motivés et investis. Cela nous permet d'apprendre à nous connaitre, à travailler ensemble et à créer des synergies prometteuses et d'amélioration pour tous. »