Dans le n° 164-novembre 2024  - Plainte  17256

Différencier le temps passé au lit et le temps de sommeil

« Je dors mal », « j'ai des insomnies », 40 % des personnes âgées de plus de 75 ans se plaignent de leur sommeil. Pour la spécialiste Sylvie Royant-Parola, quand ce n'est pas pathologique, il faut regarder du côté des habitudes de vie.

Dormir la nuit et se réveiller le jour est un besoin physiologique. L'organisme est régi par le rythme circadien, c'est-à-dire un cycle de 24 heures dont le chef d'orchestre est une horloge interne, nichée dans l'hypothalamus, qui synchronise le cerveau en permanence. Le synchroniseur le plus puissant est la lumière du jour... Avec son dernier livre paru en septembre, Notre Sommeil, une urgence absolue (Odile Jacob), Sylvie Royant-Parola, psychiatre pionnière de la médecine du sommeil, tire une sonnette d'alarme parce que « l'homme déploie une énergie farouche » à vouloir contrôler ce sommeil « pour dormir quand il le veut ». Et l'écourter, comme s'il était un temps de cerveau indisponible. Travail, loisirs, écrans... la société tend au toujours moins.

Fondatrice du réseau de santé Morphée, consacré à la prise en charge des troubles du sommeil, l'autrice livre un véritable manifeste pour un sommeil écologique qui respecte les rythmes naturels et s'adapte à des besoins qui varient selon les âges de la vie et diminuent avec le vieillissement

Le grand âge ? Il faut d'abord regarder du côté des jeunes seniors. Sylvie Royant-Parola le confirme : « la retraite est une étape charnière, les gens ne travaillent plus, ils sont libres d'organiser leur temps, ils font par exemple la sieste - attention, ce n'est pas du sommeil en plus, elle entre dans le sommeil biphasique ». En revanche, si la personne sort peu - et ne bénéficie donc pas suffisamment de la lumière naturelle -, ne pratique pas d'activité physique, reste allongée au lit tout en étant éveillée (il s'agit de « clinophilie », préjudiciable au cycle veille sommeil), « ces modifications d'habitudes désynchronisent son horloge interne ».

Arrive alors la plainte « Docteur, je dors mal ». Réponse fréquente ? Une prescription de somnifères qui le plus souvent n'améliorent pas les nuits mais baissent la vigilance du lendemain... L'angoisse de la solitude, de la mort, ou les effets de maladies cardiaques, respiratoires, rhumatismales, peuvent ensuite se conjuguer pour entraîner cette insomnie qu'invoquent 40 % des plus de 75 ans.

L'Agenda du sommeil

Conçu par le réseau Morphée avec la collaboration de Sylvie Royant-Parola, l'« Agenda du sommeil chez l'octogénaire », récemment actualisé, permet à la fois une autoévaluation sur une semaine par le patient âgé (y compris subjective de la qualité du sommeil et de la forme dans la journée), et une clarification de la plainte par le médecin. Il faut rechercher ensemble les modifications des habitudes avec changement du rythme de vie qui peuvent être à l'origine de difficultés d'endormissement, par exemple. Sous le tableau destiné aux relevés horaires, l'agenda propose un cas : « M. S. a pris un demi Zolpidem, il s'est couché à 19 h 30, s'est endormi à 21 h après avoir regardé la télé, a dormi jusqu'à 7h, avec sommeil entrecoupé d'un réveil  entre minuit et 1 h. M. S. s'est recouché pour la sieste à 13 h 30 et a dormi de 15 h à 16 h puis s'est levé. Son sommeil et sa forme étaient mauvais »... Auto-évalués comme mauvais, précisons-le.

Le premier impératif est donc de différencier le temps passé au lit et le temps de sommeil. En effet, une personne âgée peut se coucher tôt pour regarder la télévision ou être mise au lit tôt par un professionnel de santé. Elle peut aussi se coucher pour une sieste sans dormir du tout. Il est également important de recueillir les informations concernant les réveils prolongés de plus d'une heure et leurs motifs ainsi que le ou les médicaments pris pour dormir incluant l'automédication. « Un mauvais sommeil, quelle qu'en soit la cause, trop court ou trop long, insomnie, irrégularité des rythmes, apnées du sommeil, est un facteur de risque pour la survenue de troubles cognitifs et de maladie d'Alzheimer », écrit Sylvie Royant-Parola.

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