Dans le n° 122-novembre 2020  - 1ère partie...  11389

Distance et seniorisation de la société

Depuis quelques temps la « ville du quart d'heure » ou le « territoire de la demie heure » sont devenues à la mode. C'est le chercheur Carlos Moreno qui a théorisé cette notion.

En bref, il s'agit de fluidifier la ville en mutualisant les ressources et en réduisant les mobilités en rapprochant les fonctions sociales essentielles (loger et produire, accéder aux soins, s'approvisionner, apprendre et s'épanouir) du bassin de vie.

Et depuis la catastrophe de la Covid, la notion de distance a pris aussi une nouvelle réalité. En 1963, l'anthropologue Edward T. Hall développait le concept de proxémie, ou l'espace comme produit culturel spécifique. Le livre, traduit en 1971, est un grand classique des sciences de la communication[1] . Il montre que selon les cultures et les lieux, les êtres humains adoptent différentes distances physiques entre eux. C'était déjà la notion de distance sociale... Comme quoi, rien de neuf sous le soleil !

Distance et proximité

Reste que ces notions de proximité et de distance sont centrales pour réussir la seniorisation de la société. Nous avons besoin à la fois de distance (de sécurité, d'intimité...) et de proximité (pour le lien social, pour la vie commune, le soin ...). Le moins que l'on puisse dire, c'est que la distance n'est pas la bonne pour les plus âgés !

L'étude Fondation Korian pour le bien vieillir et Ipsos réalisée dans quatre pays, publiée en septembre 2020[2] , montre que face à une incapacité d'utiliser sa voiture et des difficultés pour marcher, seule une minorité de seniors peuvent encore fréquenter facilement les commerces et services dont ils ont besoin : 48% pourraient facilement se rendre dans les commerces de proximité (dont 10% « très facilement ») s'ils existent encore, les autres services cités étant encore plus difficiles d'accès, notamment les médecins spécialistes (seuls 32% pourraient toujours facilement se rendre dans leurs cabinets).

De ce point de vue-là, on comprend bien l'un des ressorts de la présence en nombre de « Gilets gris », lors du mouvement des Gilets jaunes.

L'accessibilité, une urgence bien réelle

Plus largement, les seniors jugent très durement l'adaptation de leur ville à la vie des personnes âgées. Sur ces 11 critères testés qui vont de l'accessibilité des services de santé à la sécurité ou à la présence de toilettes publiques, la note moyenne d'accessibilité accordée est de 4,5/10 seulement. Les plus jeunes partagent d'ailleurs ce constat avec une note moyenne de 4,6/10 seulement, conscients de la piètre adaptation de leur territoire aux plus âgés. De l'avis des seniors comme des plus jeunes, c'est la présence de toilettes publiques gratuites, propres et sécurisantes qui fait le plus défaut. On arrive à un taux de « satisfaction » de seulement de 2,4 en France et de 1,8 en Belgique... C'est évidemment un service qui manque à l'ensemble de la population en particulier aux personnes à mobilité réduite, aux familles avec enfants en bas âge...

Face à ce désastre, il y a deux pistes majeures trop peu investiguées : les structures itinérantes et les services de proximité en maisons de retraite. Dans l'étude Fondation Korian/Ipsos, nous les avons analysées.

Le suspense est à son comble...

Le mois prochainn je reviendrai sur les pistes proposées et leur degré de soutien par les personnes concernées.

Serge Guérin

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », auteur de Les quincados , Calmann-Lévy

01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...