Dans la première partie de ma chronique, j'avais mis en avant le renouveau de la question de la distance et des pistes nouvelles autour de structures itinérantes et de services de proximité en maisons de retraite. C'est aussi ce que montre l'étude réalisée pour la Fondation Korian par Ipsos.
Distance et seniorisation de la société
Pour la grande majorité des seniors, la mise à disposition de solutions itinérantes serait utile, et permettrait de répondre à la mauvaise accessibilité de leur ville. Ils soulignent l'utilité de services publics itinérants pour aider dans les démarches administratives (83% dont 36% qui considèrent qu'il serait essentiel de mettre ce service en place), alors que la dématérialisation des démarches laisse une partie de la population démunie, et pas seulement les seniors.
Il faut aussi « penser avec les pieds » !
Le numérique, fort utile évidemment, ne répond pas aux usages de tous, y compris auprès de populations dites jeunes. C'est également le cas des cabinets médicaux itinérants (77% dont 31% « essentiel ») qui pourrait permettre de palier les déserts médicaux, mais aussi des commerces et services culturels itinérants (bibliobus, camionnette boulangerie, épicerie...) (77% dont 28% essentiel) ou encore un service de covoiturage/navette collective/cars scolaires dédiés aux personnes âgées après dépôt des enfants à l'école (73% dont 27% « essentiel »). Un mouvement en ce sens est déjà visible sur nombre de bassins de vie, souvent soutenus par les collectivités territoriales. Les plus jeunes sont encore plus convaincus de l'utilité de ces services de proximité, qui leur manquent souvent au quotidien. La France périphérique, mise en avant il y a déjà 15 ans par le géographe Christophe Guilluy[1], c'est en grande partie ce manque de services aussi perçue comme un manque de considération. Notons que le confinement a permis de mesurer très concrètement la nécessité vitale du commerce de proximité, l'importance des circuits courts.
La maison de retraite, coeur de services
Lorsque l'on évoque la proximité, on oublie que 69% des séniors déclarent vivre à moins de 5 km d'une maison de retraite et 31% à moins de 2 km. Pourquoi ne pas y installer des services pour tous ? C'est une grande originalité de l'étude d'avoir interrogé sur les services qui pourraient être mis à disposition de tous dans les maisons de retraite situées à proximité. Les séniors sont particulièrement intéressés par les services comme un point d'accès aux services publics (64%) ou un médecin/une maison de santé (63%), mais aussi un distributeur de billets (61%), un parc/jardin (60%) ou un marché (59%). L'intérêt est logiquement encore plus fort lorsque ces services sont perçus comme faisant défaut à proximité. L'étude montre que les plus jeunes sont aussi motivés par ces services en maisons de retraite : 77% par un point d'accès aux services publics, 74% par un commerce, 67% par un restaurant... Cet intérêt est équivalent chez les 15-24 ans ou chez les 55-64 ans.
Les moins de 65 ans se montrent d'ailleurs plus intéressés que leurs aînés par les services qui pourraient être proposés par les résidents des maisons de retraite, comme un service de retoucherie (60% contre 46%).
A travers ces chiffres et l'analyse des évolutions récentes, une fois de plus, nous pouvons rappeler combien la société est plus allante que les pouvoirs étatiques pour inventer une société des âges et de la seniorisation, à la fois adaptée aux personnes et topophile !
Serge Guérin
Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », auteur de Les quincados, Calmann-Lévy