Un rapport d'information propose de mobiliser l'excédent de la branche autonomie, 1,2 milliards en 2024, pour aider les Ehpad en risques de cessation de paiement, et à partir de 2027, à trouver d'autres leviers de financement.
Ehpad : revoilà la piste d'une 2e journée de solidarité
Dans le cadre d'une mission créée par le Sénat en février dernier, les sénatrices Chantal Deseyne (LR, Eure-et-Loir), Solanges Nadille (RDPI, Guadeloupe) et Anne Souyris (groupe écologique) ont présenté le 25 septembre les conclusions de leur rapport d'information sur la situation des Ehpad, adopté le matin même par la majorité des membres de la commission des affaires sociales. Ce rapport nourri, 200 pages, actualise un état des lieux qui ne fait que confirmer une dégradation financière alarmante : entre 2020 et 2023, la part des Ehpad déficitaires est passée de 27 % à 66 %, et les taux d'occupation, 88,7 au premier trimestre 2023 n'ont pas retrouvé leurs niveaux de 2019 (près de 94%). « Les cessations de paiement se multiplient » a indiqué le président de la commission Philippe Houiller. Il a assuré que ce rapport étaierait le travail sénatorial sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Le rapport analyse, et confirme là aussi, les raisons de cette situation : la crise sanitaire et le scandale Orpea ont créé une perte confiance ; l'inflation et les revalorisations salariales mal compensées ont créé des effets ciseaux entre recettes et dépenses ; les interventions publiques ont été « insuffisantes pour soutenir un modèle à bout de souffle ». Il déplore aussi « la timidité » de l'engagement de réformes structurelles...
19 propositions de court, moyen et long termes
En urgence et « pour sortir de la crise », il s'agit de « rattraper le déficit de financement des Ehpad », en mobilisant l'excédent de la branche autonomie - 1,2 milliard en 2024 : la CNSA dispose « cette année au moins, des moyens de soutenir si nécessaire les Ehpad en risque de cessation de paiement en y consacrant des financements exceptionnels ».
La première des 19 propositions est donc de pérenniser le fonds d'urgence de 100 millions d'euros et les commissions départementales de suivi des ESMS en difficultés financières. La deuxième est de déterminer une valeur nationale de convergence du point GIR en définissant, pendant une période transitoire, une trajectoire d'évolution à la hausse et un accompagnement financier des départements.
Néanmoins, l'excédent de la branche autonomie devrait s'annuler à partir de 2027 sous l'effet de la progression des dépenses, ce qui appelle à trouver d'autres leviers de financement.
Les autres propositions de la mission pour « revoir en profondeur le modèle de financement » et « préparer l'Ehpad de demain » ne peuvent être portées par une LFSS a souligné Philippe Houiller qui, lui aussi appelle à une loi Grand-âge. Deux d'entre elles portent sur de nouvelles sources de financement : l'instauration d'une deuxième journée de solidarité et la création d'une assurance dépendance obligatoire. Elles ne sont pas... nouvelles, et suscitent un clivage droite/gauche depuis une quinzaine d'années. D'ailleurs, la contribution d'Anne Souyris, restée minoritaire en commission, est annexée au rapport : comme son groupe, elle est défavorable à une nouvelle journée qui ferait peser les efforts uniquement sur les salariés et propose d'actionner un levier fiscal comme une faible augmentation de la CSG ou une imposition plus stricte sur les successions.
AD-PA : au gouvernement de « se saisir de ce rapport »
L'AD-PA se félicite que « nombre de propositions de sa plateforme politique y aient été retenues, telles que notamment la nécessité de financements nouveaux, les mesures de transparence sur la qualité et le transfert de charges de la section hébergement supportée par les personnes âgées et leurs familles vers les sections financées par les pouvoirs publics ». Pour l'association de directeurs, Il appartient à présent aux Premier Ministre et au ministre à l'Autonomie « de se saisir de ce rapport et des précédents pour formuler des réponses concrètes, en engageant notamment, comme le préconise le rapport et l'ensemble des organisations du secteur, la Loi de programmation Grand Age Autonomie afin d'atteindre rapidement le ratio de 8 pour 10 et l'équivalent à domicile ».
Synerpa : « un Ondam-PA revu à la hausse et adapté à la réalité »
Le Synerpa « accueille favorablement les propositions qui visent à sécuriser les ressources des Ehpad et appelle à ce qu'elles soient adoptées dès cette année ». Le représentant des Ehpad commerciaux « soutient pleinement » le rapport « qui se projette sur des solutions structurelles relatives au financement, à la transparence, ou encore au taux d'encadrement » et se félicite que la démarche « intègre l'ensemble des parties prenantes dans sa réflexion ».
Par ailleurs, une refonte des prestations entre le soin et la dépendance est envisagée, « un point qui rejoint les préoccupations du Synerpa concernant la clarté et l'efficacité des dispositifs actuels ».
Il conclut que « le secteur attend des signaux forts, en particulier à travers un PLFSS 2025 ambitieux qui comprenne un Ondam-PA revu à la hausse et adapté à la réalité ».
Rapport du Sénat https://www.senat.fr/fileadmin/Presse/Documents_pdf/Rapport_information_Ehpad_presse.pdf
Synthèse : https://www.senat.fr/fileadmin/Presse/Documents_pdf/Essentiel_Ehpad_2024_presse.pdf