Le mois dernier j'ai rédigé ma chronique sur la question des politiques publiques territorialisées. Je n'imaginais pas que le nouveau Premier Ministre proposerait de faire "sauter la la baraque" en annonçant la fin des Départements et le regroupement des Régions.
Eloge de la proximité, éloge de Michèle Delaunay
Ces propositions vont dans le sens de l'opinion. Pour autant, vont-elles dans le sens du souhaitable ? Et du possible ? La disparition des Départements va-t-elle permettre de faire disparaître les populations fragilisées et vieillissantes?
Dans cette chronique, je développais que l'échelle du territoire, et partant du Département, est celle qu'il convient de mobiliser. Car elle permet d'expérimenter des procédures et des politiques, de les évaluer et, si le bilan est porteur, de les étendre aux territoires qui présentent des caractéristiques similaires.
Les tenants d'une approche de concentration des acteurs de la décentralisation font fi de deux réalités: les coûts liés au rapprochement de structures et les effets pratiques pour les personnes fragiles de territoires élargis.
En effet, rapprocher et supprimer des structures ne se fait pas sur un coup de baguette magique. Il importe de ne pas méconnaitre les efforts et l'énergie à mobiliser, les difficultés et les différences culturelles à surmonter, les coûts d'infrastructures (en particulier pour l'informatique) à prendre en compte, le recours, onéreux, à des cabinets d'audit chargés d'assurer ces changements... Sans compter la multiplication de réunions, normes, chartes, et autres synthèses pour parvenir à une nouvelle organisation... Il n'est pas évident avec tout cela que les économies soient au rendez-vous.
En outre, la croissance de la taille répond à une idéologie issue du monde de l'entreprise qui veux que l'efficacité augmente avec le volume et favorise les économies d'échelle. Or, les structures plus lourdes ne sont pas toujours les plus économes, ni les plus réactives... Surtout, en s'éloignant des habitants, on prend le risque de ne pas savoir comment les accompagner, comment répondre à leurs spécificités. Et pour ces habitants, en particulier les plus âgés et les plus exclus, l'éloignement est aussi un facteur de fragilisation.
L'approche des territoires ne devrait pas répondre a une idéologie mais à un projet visant à améliorer la vie des personnes tout en utilisant au mieux les ressources publiques.
Une vision positive du vieillissement
Je profite de cette chronique pour rendre hommages à Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux personnes âgées et à l'autonomie qui n'a pas été reconduite par Manuel Valls. Cette dernière laissera une belle trace: sa Loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement. Michèle Delaunay a su populariser une vision positive de l'allongement de la vie et des enjeux de la transition démographique. Pour moi, l'apport majeur de cette loi restera la reconnaissance de l'apport des aidants bénévoles et une dynamique donnée à la prévention.
A sa manière Michèle Delaunay a contribué à ce que l'Etat assume enfin qu'aujourd'hui il n'a plus les moyens de tout faire et que la société bouge et agit parfois sans attendre les pouvoirs publics et les institutions. Avec humour et rigueur, Michèle Delaunay a fortement contribué à lancer une dynamique qui doit permettre au pays de s'adapter à l'allongement de la vie et aux changements économiques et sociaux en s'appuyant sur la société des seniors et sur l'implication citoyenne des retraités. Merci Michèle.
Serge Guérin
Professeur à l'ESG-Management School
Dernier ouvrage: "La solidarité ça existe... Et en plus ça rapporte!", Michalon