Éloge du temps
Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles.
Ce qui m'apparaît préoccupant, ce sont les turbulences que les établissements vont avoir à connaître et à gérer. Certes, nous entendons bien que la motivation première est celle de la personne qui souffre à la fois physiquement et psychologiquement. Mais je pense aussi, par expérience, aux équipes qui tout aussi légitimement, évoquent déjà un mal être à la fois sur le plan humain comme juridique. Il y a là une réelle préoccupation qui n'est actuellement ni vraiment mesurée ni réellement prise en compte. Réfléchir et améliorer ce qui existe déjà est essentiel. Il s'agit de former au traitement de la douleur et à l'accompagnement physique et psychologique ; rétablir, vite du coup, l'équité en matière de soins palliatifs ; prendre le temps d'écouter et de dialoguer ; comprendre que les équipes ont encore en elles la terrible période de la pandémie. Prendre un peu de temps enfin, car les coups d'épaule font souvent mal.