Dans le n° 91-avril 2018  - Pascal Champvert, Président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA)  9839

Emmanuel Macron n'a pas pris la mesure de la crise sociétale qui nous attend

Reçu le 15 mars dernier avec l'intersyndicale par Agnès Buzyn, ministre de la Santé et des Solidarités, Pascal Champvert dresse un bilan sans concessions de la situation et de l'avenir du secteur. Explications.

Quelles sont les conclusions de l'entretien avec Agnès Buzyn ?

P. Champvert : Tout d'abord je souhaite souligner que c'était la première fois que la ministre acceptait de recevoir les professionnels du secteur. C'est un élément très positif car on ne peut pas entamer un dialogue de qualité sans se connaître. Mais il est vrai qu'en 30 ans d'activité à l'AD-PA, je n'ai jamais vécu une telle situation. Ne pas avoir rencontré la ministre presqu'un an après sa prise de fonction est une situation inédite. C'est quand même la preuve d'un dysfonctionnement grave entre l'État et les professionnels. Le contact direct est pourtant essentiel dans une démocratie. A l'issue de l'entretien, nous pouvons noter deux avancées : d'abord la ministre a entendu qu'il fallait arrêter de réduire les moyens alloués au secteur alors que tout le monde reconnait unanimement qu'il faut les augmenter. Les calculs ont été refaits et elle a fini par admettre que 25 % (et non 3 % comme annoncé) des établissements allaient souffrir de la convergence tarifaire (sur le soin). On a donc obtenu un moratoire pendant deux ans sur la convergence à la baisse dans les établissements. Nous espérons à terme la suppression de cette mesure.

Elle a aussi entendu qu'il fallait enfin agréer l'accord dans l'aide à domicile pour augmenter les salaires, et mettre en place un financement pérenne.

Quelles sont vos autres revendications ?

P. Champvert : Nos demandes sont bien sûr plus larges. L'État doit respecter la parole donnée. Le plan solidarité grand âge 2007-2012 devait installer dès 2012 un ratio d'un professionnel pour une personne âgée, pour les personnes les plus fragilisées. Ce n'est toujours pas le cas. Le 2ème élément est la mise en place d'un financement pérenne de l'aide à domicile. Et pour tout cela, il faut un vrai financement de l'aide aux personnes âgées, loin des 50 millions qu'on va trouver dans le PLFSS ou l'Ondam.

On voit aujourd'hui à l'Assemblée nationale que l'accord des politiques avec nos revendications est total. Personne ne s'oppose aux propositions du rapport de Monique Iborra et Caroline Fiat, votées à l'unanimité par la Commission des affaires sociales. Toute la classe politique valide l'analyse des professionnels. Et si comme le dit Mme Buzyn « nous héritons d'une situation », l'État est responsable de la réponse à apporter C'est la raison pour laquelle nous demandons à M. Macron de nous recevoir. Or non seulement il ne nous répond pas, il ne nous reçoit pas, mais il a même fait annulé le rendez-vous pris avec l'une de ses collaboratrices. Nous sommes dans une situation de refus du président de la république de s'occuper de ces questions. Mais il va bien falloir qu'il accepte de parler avec les professionnels et entendre ce mouvement qui est un mouvement sociétal profond. On se bat pour que les personnes âgées dans notre pays soient mieux accompagnées. C'est bien là l'essentiel de notre demande.

Faut-il rouvrir le débat sur la perte d'autonomie ?

P. Champvert : Évidemment c'est bien ça l'enjeu et je souhaite qu'on parle de financement d'aide à l'autonomie et non pas de dépendance, qui est un marqueur de l'âgisme. Nous constatons à l'AD-PA qu'il faut être sur le terrain du mouvement social mais aussi sur celui des idées, en expliquant pourquoi d'un point de vue sociologique, nous avons dans notre pays autant de mal à avancer. L'une des raisons est certainement cet âgisme ambiant. Nous déconsidérons en France tout ce qui concerne l'avancée en âge, le vieillissement et donc les plus âgés. Il y a dès lors toujours des dossiers plus importants à traiter que celui des personnes âgées fragilisées. C'est bien de ce système là qu'il faut sortir. Et celui qui peut faire bouger les choses, c'est le président de la République.

Ne pensez vous pas que le mouvement actuel peut être délétère pour l'image des établissements comme des professionnels qu'on peine à recruter ?

P. Champvert : Mais pas du tout. Ce mouvement est délétère pour l'image de l'État. C'est lui qui est responsable de la situation actuelle. Quand Mme Buzyn ne nous recevait pas, elle essayait d'utiliser cet argument, en parlant d'Ehpad Bashing. Or il s'agit d'État Bashing. Le mouvement n'a jamais été un mouvement dans les EHPAD. Le premier courrier que nous avons adressé au Président de la République ne parle pas des établissements mais de l'aide aux personnes âgées de manière globale. Ce mouvement mobilise tous les établissements (dont les Unités de soins de longue durée, les hôpitaux gériatriques, les résidences autonomie...) mais aussi le domicile. Si l'Una soutient ce mouvement, c'est bien parce qu'il ne concerne pas les seuls établissements. Il s'agit de l'aide aux personnes âgées. Nos revendications portent autant sur les établissements que sur le domicile.

Qu'attendez-vous aujourd'hui de la feuille de route qui sera présentée par la ministre à la fin du mois ?

P. Champvert : Que la ministre entende nos revendications de court terme : la sortie de la convergence à la baisse, l'agrément de l'accord sur la petite augmentation salariale dans l'aide à domicile, pour enfin poser la question des salaires dans ce secteur, avec un financement pérenne des salaires à domicile qui ne s'appuie pas sur le fait d'enfoncer dans la pauvreté des femmes soumises à des temps partiels contraints, donner suite au rapport Iborra/Fiat avec quelques compléments, dont l'augmentation du nombre d'heure des services à domicile et développer d'autres professions comme les psychologues, la vie sociale et la restauration pour lesquels il y a d'énormes besoins de personnels qualifiés. Il faut donc trouver des modes de financement. Mais il existe nombre de propositions. A l'initiative de Nicolas Sarkozy, le CESE avait envisagé à l'unanimité la création d'une taxe sur les successions, le président de la mutualité française a également évoqué une assurance complémentaire obligatoire. A l'AD-PA, nous proposons que les crédits bloqués sur les contrats d'assurance vie soient utilisés pour l'aide aux personnes âgées. Les propositions existent. Le secteur fourmille d'idées et est capable d'innovations. Il faut maintenant se mettre autour de la table.

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