Le journal Libération du vendredi 26 mai titrait en Une " Tous nos vieux de bonheur - Près de 700 000 personnes âgées vivent en maison de retraite, contre leur gré pour une large partie d'entre elles ". Les EHPAD y sont décrits comme un lieu de mort, sans avenir pour les résidents, où la parole portée n'est pas entendue parce que trop faiblement énoncée, voire purement ignorée.
Entendre la parole des vieux
Certes, personne ne rêve de terminer ses jours en institution même si contrairement à ce qu'affirme Libération les équipes des EHPAD se battent quotidiennement pour qu'ils restent des lieux de vie. Quand un médecin écrit " nous sommes la première génération à voir nos parents finir leur vie dans ce lieu et pour rien au monde, on ne voudrait y aller ", c'est faux. C'est la vision des hospices, éradiqués heureusement au début des années 90, mais imprimée dans la mémoire collective qui fait tellement peur. Il reste certainement beaucoup à faire mais parlons aussi de ce qui a été fait. Et notamment des milliards investis dans les restructurations, les aménagements, les recrutements de soignants.
Le respect des choix du résident
En EHPAD, 80% des personnes sont atteintes de troubles cognitifs. C'est d'ailleurs aujourd'hui la principale raison de l'entrée en établissement, quand les limites du maintien à domicile sont atteintes (on ne plus rester seul(e) la nuit, le conjoint ou les familles sont épuisés par une surveillance constante et des déambulations nocturnes). Rappelons qu'avec l'allongement de la durée de vie, les enfants sont eux-mêmes âgés, voire très âgés. Cette coexistence de 5 à 6 générations est inédite dans l'histoire de l'humanité.
La recherche du consentement
Contrairement à ce qu'écrit le journaliste, la loi n'exige pas de recueillir le consentement de la personne mais de le rechercher lors d'un entretien avec la personne concernée, hors de la présence de toute autre personne, c'est-à-dire sans la famille. Cette clause a déjà laissé perplexe bien des directeurs car comment rechercher un consentement éclairé chez une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, souvent à un stade avancé ?
Quelles conditions de vie ?
Et quid du problème éthique lorsqu'une personne, devenue un danger pour elle-même et pour les autres, indique qu'elle ne souhaite pas venir dans l'EHPAD ? Le directeur doit-il la renvoyer chez elle au risque de la mettre en danger ou prononcer son admission, malgré sa réticence, pour l'accompagner avec les moyens dont il dispose ?
Les droits au risque et au refus sont reconnus et respectés, notamment avec le renforcement de la liberté d'aller et venir et chacun sait bien que le risque zéro n'existe pas. Mais combien de services d'aide à domicile déplorent des conditions de vie catastrophiques suite à une obstination déraisonnable ...
Au moment où la loi ASV réduit encore les moyens alloués par les départements aux établissements, comment reprocher leur manque de créativité et d'innovation ? Il leur en a fallu pourtant pour devenir efficientes quand certains tarifs hébergement étaient diminués de 3% !
Les vieux réduits à zéro...
" Dans les EHPAD, on radote, on est pris dans un univers effrayant, c'est le point final, les vieux sont réduits à zéro, un vieux ne représente plus rien, etc. ". Cette vision est non seulement fausse mais criminelle. Elle engendre une culpabilité renforcée des familles et la terreur des personnes concernées. Au quotidien, jour et nuit, les directeurs et leurs équipes sont attentifs non seulement aux besoins mais aussi aux souhaits, aux envies des résidents dont ils recueillent les histoires de vie et les attentes pour la rédaction d'un projet personnalisé. Alors, oui la collectivité et les moyens humains et financiers imposent leurs contraintes et il ne sera pas possible de répondre favorablement à toutes les demandes mais tous font le maximum pour écouter et entendre les vieux qu'ils accompagnent.
" Si vous considérez qu'une voix qui dit ou murmure " je veux rester chez moi " doit être entendue, signez ce manifeste. " Qui pourrait ne pas être d'accord ? Sauf que les raisons invoquées dans le texte sont tendancieuses. Ce n'est pas en diffamant les EHPAD que l'on peut convaincre et réunir le public autour d'une idée, si brillante soit-elle.
Françoise Toursière, Consultante