Dans le n° 3-décembre 2010  -  Françoise Van Rechem  138

Entre rupture et continuité

Directrice Générale Adjointe et Directrice de la Régulation de l'Offre de Santé au sein de l'Agence Régionale de Santé de Picardie, Françoise Van Rechem fait un état des lieux régional. Pour améliorer la qualité de la santé, l'ARS Picardie mise sur le partenariat avec les acteurs et la montée en compétences des structures et des équipes. De quoi rassurer les professionnels picards.

Bio express

Nommée en avril 2010 Directrice Générale Adjointe et Directrice de la Régulation de l'Offre de Santé au sein de l'Agence Régionale de Santé de Picardie, Françoise Van Rechem a été, précédemment et entre autres fonctions, directrice de la DDASS du Pas-de-Calais puis des Hauts-de-Seine, puis directrice de la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales de Picardie. Agée de 56 ans, Chevalier de l'Ordre National du Mérite, elle est titulaire d'un DEA administration publique, d'une maîtrise de droit public et d'une formation inspecteur des affaires sanitaires et sociales à l'École Nationale de Santé Publique.

Les ARS bousculent les habitudes de chacun. Comment la création de l'Agence picarde (qui couvre l'Aisne, l'Oise, la Somme) a-t-elle été perçue par les professionnels ? Je sais que le médico-social craignait d'être le " parent pauvre " de la nouvelle organisation de santé. Je pense, après 6 mois de fonctionnement, que cette crainte a disparu. En Picardie, les acteurs du médico-social ont constaté et ont compris que le champ d'intervention d'une ARS est la santé au sens large, au sens que lui donne l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et non uniquement le soin. La définition précise que c'est l'" ensemble des actions concourant à améliorer l'état de santé de la personne ". A ce titre la santé intègre toute la chaîne, l'éducation thérapeutique, l'accompagnement médico-social, la réinsertion,... Dans l'organigramme de l'ARS, les approches sectorielles Ambulatoire-Hospitalière- médico-social ont disparu, c'était impératif ! L'ARS se compose de directions " métiers " (promotion de la santé, offre de santé dont handicap et dépendance), de directions " supports " (ressources humaines, système d'information...) et de ressources transversales (statistiques...). En Picardie nous sommes allés plus loin encore dans la transversalité. Ainsi notre Plan régional de Santé aborde ses orientations stratégiques pour les cinq années à venir autour des cinq domaines suivants :

- le handicap et le vieillissement,

- les maladies chroniques,

- la santé mentale,

- la périnatalité et la petite enfance,

- les risques sanitaires.

Quelles sont vos relations avec les acteurs du secteur médico-social ?

Dès le début, nous avons misé sur la communication pour expliquer notre rôle et nos missions. Notre objectif est l'amélioration de la qualité en santé et nous voulons y travailler avec les opérateurs et les Conseils généraux. Nous avons contacté les élus et les grandes figures du réseau : URIOPS, SYNERPA, FNADEPA,... pour leur expliquer notre stratégie, comment nous avons construit l'agence. Et en quoi cette rupture, marquée par un objectif de transversalité, jouait aussi la carte de la continuité. Un des autres vecteurs de communication est la CRSA (Conférence régionale de la Santé et de l'Autonomie), qui est installée depuis le mois de juin. Elle comprend cinq commissions spécialisées avec des représentants du médico-social et nous allons installer les cinq conférences de territoire pour mettre en oeuvre une politique au plus près des besoins réels.

Nous souhaitons garder le contact et rendre notre politique lisible. Je prends l'exemple des orientations budgétaires : nous avons transmis à chaque opérateur un document comprenant la trame commune pour tous les établissements et une partie propre à chaque opérateur. Et en décembre, nous organisons deux demi-journées de restitution de la campagne budgétaire.

De plus, notre site Internet a été opérationnel très vite et nous avons édité un Guide des Services. Et chacun connaît désormais qui à l'agence est l'interlocuteur privilégié du médico-social. Il s'agit de Cécile Guérraud qui a l'expérience et les compétences requises : diplômée d'IEP et dotée d'un DESS de politique sociale, elle a construit le 1er PRIAC (PRIAC (programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie) de Picardie. En juin dernier l'ARS Picardie a défini neuf objectifs. Le 9ème porte sur le développement des parcours de soins et de vie des personnes âgées et handicapées.

Peut-on préciser cet objectif ?

La notion de parcours de vie est une priorité. Pour cela les EHPAD doivent s'intégrer dans les réseaux et ce de façon large. Il leur faut travailler très en amont avec les CLICs (Centre Local d'Information et de Coordination), les SSIAD (Services de Soins Infirmiers A Domicile), les consultations de gériatrie mais aussi avec les organismes de prévention de la dénutrition, de la prise en charge de la santé bucco-dentaire. Il faut aussi créer une articulation avec le champ de la psychiatrie et de la santé mentale. Cette intégration d'esprit sera systématiquement demandée dans le nouvel outil de convention tripartite sur lequel nous travaillons. Une convention ne peut pas être conçue qu'en termes quantitatifs. De plus, il existe d'ores et déjà des initiatives intéressantes dans certains départements et l'idée est maintenant d'harmoniser vers le haut. De même, la notion de parcours de vie sera un des critères dans les appels à projet. Une entrée en EHPAD se prépare avec l'équipe qui a pris en charge les personnes à domicile, elle passe par les accueils de jour, les accueils temporaires. Il y a encore trop peu d'offres dans ce domaine.

Nous souhaitons diversifier l'offre pour ne plus avoir que de l'hébergement " en dur ". Cette position sera intégrée dans le renouvellement des conventions tripartites et dans les appels à projet.

Un de nos objectifs concerne l'accélération de l'ouverture des structures pour lesquelles les financements sont autorisés. Actuellement, en Picardie, le pourcentage de places installées sur les notifications de financements est de 45%. Nous voulons porter ce chiffre à 60% (l'objectif est inscrit au contrat Agence-Comité National de Pilotage des ARS). Nous souhaitons pouvoir ouvrir les services qui ne nécessitent généralement pas d'investissements lourds, dès l'année de disponibilité des financements. Pour les établissements nous souhaitons accélérer le processus, ceci grâce au mécanisme des enveloppes d'anticipation, puis des appels à projets.

Peut-on quantifier l'offre de solutions pour les personnes âgées en Picardie : nombre d'EHPAD, d'EHPA, nombre de places d'accueil de jour, nombre de places de SIAD,... ?

D'après le recensement de 2006, on compte en Picardie 138 000 personnes âgées de 75 ans ou plus. Ces personnes représentent 7,3 % de la population picarde (contre 8,3 % de la population française). La Picardie compte 112,7 places pour 1000 habitants âgés de plus de 75 ans (contre 109,9 en moyenne nationale).

On compte 189 EHPAD, 4 centres d'accueil de jour, 6 SPASAD (Service polyvalent d'aide et de soins à domicile) et 63 SSIAD. La région n'est pas en moyenne sous-équipée par rapport à la moyenne nationale, sauf pour les SSIAD. Il y a certes des disparités entre les trois départements. Ainsi l'Oise est mieux équipée que l'Aisne mais l'Oise est jeune et en actualisant à 2020, elle va être en difficultés. Dans le Sud de l'Oise et de l'Aisne, on assiste à des arrivées de population âgée issue de la banlieue parisienne. Les coûts des établissements sont attractifs comparés à ceux de la Région parisienne. De plus, certaines personnes reviennent vivre dans leur région d'origine.

Comment cette offre va-t-elle se développer ?

Nous avons commencé à labelliser les PASA (pôles d'activités et de soins adaptés) et les UHR (Unités d'hébergement renforcé) en nous calant sur les objectifs du Plan Alzheimer (mesure 16). En 2010, nous avons identifié 2 UHR en USLD (Unités de Soins de Longue Durée), 2 UHR en EHPAD et 5 PASA. Pour beaucoup de PASA, c'est la reconnaissance d'un travail déjà en place. Nos objectifs pour 2011 sont 19 PASA, 2 UHR en EHPAD et 1 UHR en USLD. Pour les EHPAD nous travaillons sur la base du PRIAC arrêté au printemps 2010. Le PRIAC a été un excellent outil d'aide à la décision. Il a permis à l'état d'afficher des priorités en termes de besoins, de faire une programmation fine d'abord au niveau des départements puis des arrondissements. Pour revenir aux chiffres, le besoin estimé de places (EHPAD, SSIAD, Accueil de jour,...) est de 3 860 à horizon 2013. Ce qui ne signifie pas que nous pourrons les créer. A ce jour, les besoins financiers ne sont couverts qu'à hauteur de 30% par la CNSA.

En ce qui concerne les CPOM (Contrats Pluriannuels d'objectifs et de Moyens), aucun objectif de signature n'est à ce jour fixé ; il s'agit d'une orientation politique dont le plan d'action sera élaboré en 2011, à partir de l'expérience d'ores et déjà développée en particulier dans l'Oise sur le champ des personnes handicapées.

Nous avons aussi l'objectif de créer 4 GCSMS (groupement de coopération sociale et médico-sociale). Deux sont déjà en cours de constitution.

Quand les premiers appels à projet seront-ils lancés ?

Nous savons qu'il y a une forte attente des opérateurs et nous voulons raccourcir au maximum la période de transition entre l'ancien système (CROSM) et le nouveau (appels à projet). Nous pensons lancer les premiers appels à projets au premier trimestre 2011. Pour l'heure nous travaillons sur le contenu avec les Conseils généraux. Nous voulons faire des appels à projet de qualité, c'est une responsabilité vis-à-vis du public et des opérateurs.

Le secteur du grand âge souffre d'un manque d'attractivité et certains métiers sont en tension. Qu'en est-il en Picardie ?

La démographie médicale et paramédicale est à une préoccupation : la Picardie connaît la plus basse densité de médecins libéraux et de spécialistes. Nous formons des professionnels médicaux (actuellement il y a 700 internes en médecine et pharmacie) et paramédicaux mais ils ne s'installent pas dans la région. Située entre Paris et Lille, la région rencontre un problème d'attractivité. De plus, nous avons dénombré 2 000 besoins de formation, sur lesquels nous allons travailler avec le Conseil régional de Picardie. La priorité est donc double : former les professionnels et les fidéliser.

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