Ce n'est pas parce qu'on est très âgé et peu autonome qu'on doit être coupé de la vie. Or ce qui manque le plus aux personnes âgées, c'est la jeunesse, celle qu'on regarde, avec qui l'on joue ou l'on danse. Chanter en choeur, petits et grands, donne du tonus. C'est du plaisir pur, reconnu 100 % plus efficace que n'importe quelle médication !

L'EHPAD Péan qui dispose de 94 places et de 10 places de jour est situé au coeur de Paris. L'immeuble, ancienne clinique, restructuré à neuf, comporte 5 étages. Les résidents y sont répartis en fonction de leur autonomie. L'établissement dispose aussi d'un accueil de jour thérapeutique pour une dizaine d'usagers.

Psychologues, animatrices et assistante de soins en gérontologie partagent leurs expériences.

L'association ACPPA a pris l'initiative d'ouvrir une crèche au coeur d'une maison de retraite lyonnaise dès 1991. L'idée a germé en 2003 de s'ouvrir à la ville en créant une crèche associative à l'intérieur de l'EHPAD Péan. Les rencontres et ateliers organisés avec la crèche Bout'Chou ont fait mûrir le projet d'activités réunissant personnes âgées et petits enfants.

Ces rencontres permettent d'enrichir le projet de vie de la résidence en recréant des temps de partage, de découverte, d'ouverture, d'écoute des autres.

Ateliers évolutifs

La psychologue de l'établissement, l'animatrice et l'assistante de soins en gérontologie ont organisé, en étroite collaboration avec la crèche, des ateliers favorisant la rencontre et l'échange entre les résidents qui le souhaitent et les petits enfants de la crèche Bout'chou. Chaque atelier est encadré par une co-animation comprenant un professionnel de chaque domaine (gériatrie, pédiatrie) intéressé par la médiation proposée. Quatre ateliers sont proposés par semaine, de janvier à juin, principalement le matin.

Des espaces permettent de recevoir des petits enfants qui viennent faire différentes activités, en salle, en extérieur dans le jardin ou, à la crèche elle-même : chant, arts plastiques, expression corporelle, conte permettent des partages en commun avec des résidents de l'établissement, volontaires pour participer, ou tout simplement attirés par la vue et la vitalité des enfants. Les résidents participant à une activité participent sur le long cours pour que des liens privilégiés puissent se tisser avec les enfants. Pendant ces activités, les difficultés motrices, les troubles mnésiques ou phasiques passent au second plan. Seul l'instant présent de la rencontre avec les enfants compte. Et ce sont des instants magiques...

" En général le premier contact se fait dans le jardin, explique M. Patrick Rotger, directeur de l'EHPAD. Chacun peut se parler, partager un jeu, échanger, apprendre à se connaître. L'échange se fait naturellement, sans y prendre garde et en toute liberté. "

Au 1er trimestre 2012, de nouvelles activités ont été mises en place comme l'atelier danse ou l'atelier pâtisserie. D'autres ont été repris car ils rencontrent une forte adhésion comme les ateliers chant et lecture de conte. Raconter des histoires aux enfants reste un classique qui marche merveilleusement. Les enfants sont attentifs, captivés. Dans l'atelier dessert, petits et grands confectionnent des gâteaux qu'ils ont ensuite le plaisir de déguster.

" L'atelier danse permet aux résidents (aphasiques ou mal à l'aise avec le verbe) et aux enfants (à l'aise avec le langage non verbal) de découvrir d'autres façons de se mouvoir et de s'exprimer via la danse. Échauffement, mimes et jeux gestuels rythment cet atelier à la fois créatif et ludique ", explique Cécile Mainguy, psychologue de l'établissement.

Les professionnels observent les bienfaits de ces rencontres sur le moral des résidents. Psychologue, animatrices et équipe de puériculture échangent leurs impressions et ajustent le cadre des ateliers. Ces rencontres sont aussi une stimulation pour les professionnels des deux populations aux caractéristiques si différentes.

Des activités exceptionnelles sont prévues pour les fêtes de Pâques et de Noël pour permettre la rencontre des résidents et de leurs familles, des enfants et de leurs parents. À Pâques, la recherche des oeufs en chocolat réunit enfants et résidents dans une quête gourmande.

Rencontres sources de motivation

De fait, les effets observés sont tangibles : " les résidents sont réveillés par les rencontres avec les enfants. Celles-ci sont sources de motivation pour se lever le matin, pour se mouvoir. Elles constituent un repère dans le temps ".

" Le jour des enfants, c'est vendredi ! ", dit une résidente habituellement désorientée... Une autre dame, centenaire et en fauteuil roulant, parvient à se lever et à danser debout avec les enfants ! Une autre souffrant de troubles phasiques, chante facilement avec les enfants de la crèche !

" Tout se passe comme si ces rencontres, proposées dans un cadre bien défini, s'inscrivaient dans la mémoire affective des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer qui, malgré leurs pertes cognitives, retrouvent des repères, tissent spontanément des liens avec les enfants, et retrouvent le plaisir de partager une activité pensée pour que chaque participant puisse s'y investir ", écrit Cécile Mainguy.

De fait, les résidents ont envie de faire avec les enfants, cela les stimule, leur donne de la joie. Ils se sentent utiles et l'envie de s'exprimer renaît.

L'EHPAD Péan essaie de prolonger cet élan en favorisant les échanges ville / résidence. Ainsi lors de la fête des voisins, les habitants du quartier peuvent venir à la résidence. Des résidents exposeront leurs créations (peintures, dessins). Un habitant du quartier viendra exposer son parcours photo.

Dans l'année, des lycéens viennent tous les mercredis pour travailler ensemble sur des thèmes comme "la mode, la vie dans les Années quarante". Les lycéens leur apprennent à faire des recherches sur ordinateur, et les résidents leur apprennent à tricoter ! Activités intergénérationnelles dites-vous ? Non, seulement une vie comme elle devrait toujours être : ensemble.