Pour des résidents dont l'état de santé est susceptible de se dégrader à court terme, l'évaluation anticipée permet de mettre en route sans précipitation une hospitalisation à domicile en Ehpad. 4 360 évaluations ont été réalisées en 2022.
Évaluation anticipée : les « dossiers dormants » se réveillent
De simple modalité de prise en charge, l'activité d'hospitalisation à domicile (HAD) a gagné ses galons d'activité de soins à part entière depuis le 1er juin 2023, après une période transitoire et en application de l'ordonnance du 12 mai 2021 portant réforme des autorisations et de deux décrets encadrant ses nouvelles conditions d'implantation et de fonctionnement. Une émancipation conquise par rapport aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique alors qu'elle venait de faire ses preuves pendant la crise sanitaire...
Dans le même mouvement, les « dossiers dormants » (ou « patients en veille ») que réalisaient déjà les établissements d'HAD en Ehpad, mais hors cadre structuré, ont laissé place aux évaluations anticipées. Avec une enveloppe dédiée : un million d'euros en 2020, réparti au prorata du nombre de patients pris en charge par l'HAD en Ehpad sur la période du 1er mars au 30 novembre 2020 ; 2,2 millions en 2021, avec une part forfaitaire pour financer le temps de coordination dédié à l'évaluation anticipée et une part modulable au prorata du nombre de patients pris en charge en 2020, et en 2022 une même enveloppe qu'en 2021 avec même répartition.
4 360 évaluations anticipées en 2022
2023 a été l'an I d'un mode de calcul stabilisé avec une enveloppe répartie sur la base du nombre d'évaluations anticipées effectivement réalisées et tracées par l'HAD en Ehpad entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022.
Leur nombre est d'ailleurs connu pour la première fois : 4 360 évaluations anticipées. L'enveloppe est de 3 millions d'euros cette année, mais le dispositif a été étendu le 1er janvier à l'ensemble des résidents en établissements sociaux et médico-sociaux avec hébergement (handicap, précarité).
Les conditions ? L'évaluation anticipée est réalisée après demande de l'Ehpad et décision collégiale médicale (médecin traitant, médecin coordonnateur et médecin praticien d'HAD) pour des résidents dont l'état de santé est susceptible de se dégrader à courte échéance (phase palliative ou pathologies chroniques avec risque de décompensation symptomatique) et qui ont émis le souhait de ne pas être transférés à l'hôpital.
Les motifs de prises en soins peuvent être nombreux et le dispositif évite ainsi des prises en charge trop tardives et des transferts en service d'urgence.
À titre d'exemples : soins palliatifs et accompagnement au décès, perte d'oralité (mise en place d'analgésie autocontrôlée par le patient - PCA -, prise en charge des symptômes pénibles), décompensations d'organes (cardio-respiratoire, rénale...), pansements complexes avec nécessité d'un appui HAD (expertise, analgésie Meopa).
Un fois l'évaluation anticipée réalisée, le dossier administratif est créé et les médecins se concertent sur l'élaboration du projet de soins personnalisé et des prescriptions anticipées. Cette évaluation est régulièrement actualisée au travers d'échanges entre les équipes de l'HAD et de l'Ehpad. Lorsque le résident présente une dégradation, l'HAD peut ainsi se mettre en place rapidement et organiser la prise en charge.
La convention Ehpad/HAD
Une convention entre l'HAD et l'Ehpad est obligatoire pour toute intervention, au-delà des évaluations anticipées. Elle porte sur la création d'un dossier patient informatisé (DPI) par l'HAD, la réalisation des prescriptions anticipées personnalisées, l'information régulière sur la santé des résidents concernés... Attention, si le résident fait l'objet d'une admission en HAD dans les 7 jours, l'évaluation ne peut être considérée comme anticipée. Enfin, est-il utile de le préciser, le forfait soins de l'Ehpad reste inchangé.
L'Ehpad est obligatoirement à l'origine de la demande mais, en face, l'établissement d'HAD ne propose pas forcément l'offre, même si la pratique est appelée à se développer de plus en plus. Cette réponse conditionne évidemment la montée en charge du dispositif.
Présidée par l'ancienne ministre Élisabeth Hubert depuis 2006, la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad) poursuit donc un travail de conviction auprès de ses 260 établissements. « Une chambre d'Ehpad est un domicile, insiste-t-elle dans une interview au Quotidien du Médecin (8 novembre), à la veille du 50e anniversaire de sa fédération. Pourquoi ne pas faire appel aux infirmières libérales pour les soins légers et à l'HAD quand la situation l'exige ? »
Certaines structures HAD, toutefois, ont déjà une pratique rodée. Un poster affiché au Congrès interrégional de gériatrie les 14 et 15 septembre derniers en a témoigné. Signé Sandra Chantelot-Lahoude, médecin coordonnateur de l'Ehpad Korian Bords de la Marque à Forest-sur-Marque (59), et Vanessa Lebas, infirmière d'évaluation et de coordination Santélys HAD (plus de 150 évaluations réalisées), il salue une collaboration « qui améliore la prise en soins des résidents dans cette dernière étape de la vie afin de leur permettre de partir dignement accompagnés par leurs proches ».