Mise en place en 2013 par l'ARS Ile-de-France, l'expérimentation IDE de nuit en EHPAD sur la région parisienne intéresse tous les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. Pauline Ghirardello, responsable du projet, nous décrit la montée en charge du dispositif.
Expérimentation des IDE de nuit en EHPAD en Ile-de-France
Quelles étaient les conditions de départ de l'expérimentation ?
Le dispositif a été travaillé tout au long de l'année 2012 sur certains territoires : création des cahiers des charges, prise de contact avec les acteurs, choix de l'établissement support... Les 7 territoires franciliens participants (Paris a rejoint l'expérimentation en 2015) ont été officiellement dotés du dispositif expérimental d'IDE de nuit à partir du 1er janvier 2013. 21 EHPAD ont participé au démarrage et 3 EHPAD ont intégré le dispositif en cours de route.
En quoi consiste le dispositif ?
Le dispositif a pour but de mutualiser la présence d'une infirmière de nuit en EHPAD. En effet, il a été démontré que la présence d'une IDE en EHPAD à temps plein la nuit n'était pas efficiente puisque les actes infirmiers représentent en moyenne une heure de travail par nuit. Cependant, beaucoup d'EHPAD ne disposant pas de présence infirmière, la mutualisation permet de mieux utiliser ce temps de soin infirmier.
Nous avons estimé le besoin à une IDE de nuit pour 300 résidents soit pour 3 établissements accueillant des publics similaires, avec des besoins en soins aux environs d'un PMP à 200 et d'un GMP à 700, de capacité homogène ou qui se complètent. Il fallait aussi que ces établissements se situent dans un périmètre géographique proche pour permettre un déplacement dans la nuit. L'expérimentation est en place sur des territoires plutôt ruraux (Seine et Marne) et d'autres très urbains (Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine).
Les IDE disposent d'un véhicule de service ?
Une dotation financière de L'ARS pour la mise en place de ce dispositif a été accordée à l'établissement "tête de pont" de chaque trio d'établissements. Cette dotation, majoritairement employée pour le recrutement, a également pu être utilisée pour les frais de fonctionnement. Libre aux gestionnaires d'opter pour l'utilisation d'un véhicule de service ou véhicules personnels des IDE. Chaque trio a mis en place une organisation prenant en compte les différences de gestionnaires et de statuts, ceci avant même la mise en oeuvre des infirmières de nuit.
L'infirmière est salariée de l'EHPAD tête de pont ?
Au départ, l'infirmière de nuit est effectivement salariée de l'EHPAD tête de pont mais est amenée à travailler de la même manière pour les 3 établissements, sans faire de distinction entre l'établissement employeur et les autres participants. Dès le départ, certains établissements ont amené un mode de fonctionnement différent, notamment dans le département 95 où le dispositif est porté par un SSIAD de nuit déjà bien implanté sur le secteur. Ainsi, dans ce cas, un quatrième opérateur s'est joint à l'opération, le SSIAD servant de coordonnateur et d'employeur sur ce département.
En 2016, quels enseignements tirez-vous de l'expérimentation?
Les objectifs de cette expérimentation étaient d'obtenir une meilleure régulation des hospitalisations, une meilleure continuité des soins et de permettre la réassurance des personnels. Aujourd'hui, à mi-parcours, nous travaillons à l'évaluation médico-économique qui nous permettra de valider l'atteinte de ces objectifs.
Des premiers retours d'expérience, nous constatons, que la première année a été une année d'organisation et de montée en charge. Une fois les équipes installées et formées, nous avons pu constater qu'une grande partie des appels dits d'urgence ne relevaient pas forcément de l'urgence vitale mais du besoin des aides-soignants de recourir à l'IDE de nuit. Aujourd'hui les aides-soignants passent le relais à meilleur escient aux IDE de nuit, ce qui permet une meilleure régulation auprès du SAMU. Le médecin du SAMU est en lien avec un interlocuteur plus aguerri dans le diagnostic et en mesure de mieux identifier les problématiques de la situation et de déclencher la bonne prise en charge auprès du résident en difficulté. Ce qui aurait pu déclencher un départ vers l'hôpital peut désormais se transformer en demande d'avis médical, en recourant notamment à SOS médecins, sans forcément nécessiter une hospitalisation derrière.
Par ailleurs, la présence d'un infirmier chaque nuit oblige à repenser la délivrance de soins en 24H/24. La nuit, le travail quotidien des agents auprès de la centaine de résidents de l'établissement (surveillance et soins de nursing) était interrompu du fait de la nécessité d'intervenir auprès d'un des résidents en cas d'alerte sur son état de santé. En passant le relais à l'IDE de nuit, les aides-soignants peuvent se consacrer à l'ensemble des résidents.
Par ailleurs, quand il n'y a pas d'urgence, le passage systématique de l'IDE au sein des trois établissements permet de faire des soins qui n'avaient pas forcément été identifiés par l'AS de nuit ou de consacrer du temps aux échanges de pratiques ou à de la formation. Tout cela facilite la transmission de savoirs, la montée en compétence progressive des AS et permet d'atteindre l'objectif de réassurance des personnels de nuit.
Quand seront tirées les leçons de l'expérimentation ?
La montée en charge du dispositif a pris plus de temps que ce qui avait été calibré, c'est pourquoi nous prolongeons d'une année le dispositif, jusqu'à fin 2016. Cela nous permettra d'obtenir des résultats basés sur un mode de fonctionnement "en routine" et donc de réaliser en 2017 une évaluation qualitative et médico-économique du dispositif. Pour cela, nous avons fait appel au Gérond'if et à l'INSERM pour réaliser des études. L'expérimentation pourra donner lieu à une modélisation de cette intervention de nuit dans la perspective qu'elle puisse être déployée ensuite par d'autres établissements. Nous avons également pu tirer des enseignements de ce dispositif à travers la production de "fiches de conduite à tenir en cas d'urgence" à destination des IDE et AS en EHPAD qui sont d'ores et déjà mises à la disposition des établissements.
Les établissements ne vont-ils pas vouloir continuer?
Pour le moment le dispositif est expérimental, financé sur des crédits non-pérennes, cela a été clairement expliqué aux participants dès le départ. Notre objectif est de montrer que s'il y a une économie réalisée sur des hospitalisations évitées, ces gains d'efficience pourraient être en partie redistribués aux EHPAD pour la prise en soins la nuit. Ainsi, l'assurance maladie serait gagnante tout en apportant un gain qualitatif pour les résidents en EHPAD.