Si 1 décès sur 5 a lieu en EHPAD, la mort reste un sujet tabou. Cette absence de discussion a des répercussions profondes, non seulement sur les résidents et leurs familles, mais aussi sur la qualité de l'accompagnement en fin de vie et du processus de deuil par le personnel soignant.
Face au tabou de la mort en EHPAD, il faut briser le silence !
Pourquoi la mort est-elle taboue en EHPAD ?
En EHPAD, le personnel soignant ne peut pas toujours se dégager du temps pour être à l'écoute des résidents. Et lorsque c'est le cas, il n'est souvent pas assez formé ou à l'aise avec le sujet de la mort pour répondre à leurs préoccupations. Interrogés, de nombreux patients évoquent le sentiment que leur parole n'est pas la bienvenue et ce ressenti contribue à renforcer le tabou déjà bien ancré par la société.
Face à la baisse des valeurs religieuses et la médicalisation de la mort, de nombreux rituels se sont perdus. Auparavant, l'ensemble de la famille était présente pour l'adieu, généralement au domicile du proche en fin de vie et le mourant était veillé jusqu'à son dernier souffle. Désormais, la mort a lieu derrière les portes closes des établissements de santé comme les EHPAD. C'est aux équipes de ces établissements que reviennent des gestes simples comme tenir la main du patient, échanger un dernier regard ou une dernière parole. Mais aussi d'annoncer le décès aux autres résidents.
Malheureusement, très peu de choses sont mises en place pour aider les résidents affectés par la perte d'un camarade de chambre. D'ailleurs, 77,6% des établissements interrogés par la Fondation Clariane en 2017, déclarent que le départ des résidents est dissimulé. Certains choisissent l'heure du repas pour faire sortir le résident par la sortie de secours. Et dans certains cas, la mort n'est même pas annoncée.
Comment ce silence impacte t-il les résidents ?
En évitant d'aborder certains sujets (décès, dernières volontés...), le personnel soignant comme les familles pensent "protéger" le patient. En réalité, cette culture du silence qui entoure la mort participe à leur isolement. La majorité des résidents sont en capacité de comprendre ce qui se déroule autour d'eux et ressentent le besoin d'en parler.
Ceux qui avaient lié des liens d'amitié avec le résident endeuillé expriment le besoin de se manifester. Pourtant, 58% des établissements interrogés par la Fondation Clariane ont affirmé ne pas organiser de temps de recueillement suite au décès d'un autre résident. Ce manque d'opportunité de rendre hommage renforce leur solitude et les décourage à partager leurs questionnements et leurs craintes.
Combien de temps me reste-t-il à vivre ? Mes proches seront-ils à mes côtés ? Vais-je avoir peur ? Il est essentiel d'offrir aux résidents l'opportunité de se recueillir et de dialoguer plus ouvertement avec le personnel soignant ou leurs familles. Cela les incitera à partager leurs souhaits en matière de fin de vie.
Comment mieux accompagner la fin de vie et la mort en EHPAD ?
Comment initier le dialogue avec les patients en établissement lorsque personne ne fournit les ressources nécessaires ? Il est capital d'offrir au personnel soignant la possibilité d'être formé pour mieux accompagner la fin de vie et aborder la mort en EHPAD de manière professionnelle et sensible.
Au-delà des soins prodigués pour assurer le confort physique des patients, le personnel soignant doit aussi pouvoir accompagner leurs besoins psychologiques avec une écoute active . Apprendre à recueillir les dernières volontés et directives anticipées ou connaître les pratiques en fonction des cultes religieux sont des savoirs essentiels pour assurer une bonne prise en charge.
Axelle Faivret
Journaliste pour Happy End