Des chercheurs sociologues de l'Université de Lille/CNRS se sont penchés sur une double thématique : les collectifs de travail en Ehpad et services à domicile et la relation de service face à un « double bénéficiaire », résident et famille.
Faiblesse des collectifs de travail et complexe relation triangulaire avec les familles
Le Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé, Université de Lille/CNRS) a réalisé pour la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares, ministère du Travail), un rapport sur le thème « Relations au travail et travail relationnel, situation des travailleurs peu et non qualifiés ». Il a été publié le 6 août.
Deux chapitres, les 5 et 6, concernent les métiers du vieillissement sous le double angle, original, du collectif de travail et de la relation triangulaire de service.
- « Les collectifs de travail dans les métiers auprès des personnes âgées : fragiles, fragilisés mais indispensables » (chapitre 5, p. 145).
Mauvaises conditions de travail et d'emploi, bas salaires, le manque d'attractivité des métiers du vieillissement, que ce soit en établissements ou dans les services à domicile, est bien connu, mais « la faiblesse des collectifs de travail est plus rarement mise en avant », note le Clersé. Les chercheurs se sont appuyés sur les données quantitatives issues de l'enquête Risques psycho sociaux de la Dares (RPS 2016) et surtout sur une enquête qualitative menée au sein d'Ehpad et de Saad. Ils rappellent la grande fragilité des collectifs de travail dans ces métiers : l'isolement des salariés est une constante même en établissement. Pourtant, écrivent-ils, « si le collectif de travail est souvent fragile dans le secteur médico-social et les métiers liés au vieillissement, il n'en apparaît pas moins nécessaire : d'abord pour « tenir » au travail mais également pour « bien faire » son travail ».
Les directions et les encadrantes rencontrées en Ehpad ou en Saad ont convenu d'une organisation du travail à repenser. Des choses sont tentées malgré un contexte de manque de moyens et de tension sur les effectifs.
- La relation de service face à un « double bénéficiaire » : l'exemple du travail de care dans les Ehpad ? (Chapitre 6, p. 169).
Les spécificités des métiers du « prendre soin » sont nombreuses « notamment parce qu'ils s'inscrivent dans un type bien particulier de relation de service qui s'écarte des logiques, mieux connues, du soin médical ou de la relation marchande », écrit le Clersé. Son étude repose sur une enquête de terrain réalisée au cours de l'année 2019 - 2020 dans 6 Ehpad, et un établissement de soin de suite et de réadaptation (SSR). 40 entretiens ont été menés. L'un des éléments importants renvoie à la dualité des bénéficiaires : le service s'adresse en effet d'abord aux personnes vulnérables mais également à leur entourage. Cette contribution vise ainsi à questionner, à partir du rôle des « familles » dans les Ehpad, l'impact sur les conditions et l'organisation du travail de ces acteurs additionnels à la fois extérieurs mais très présents. Trois fonctions sont ainsi mises en évidence : un rôle de critique externe, un rôle dans la codétermination du besoin et enfin un rôle direct dans le travail lui-même. L'article souligne l'ambivalence de ces interactions et conclut en esquissant les pistes de ce qui semble nécessaire pour rendre positive cette relation triangulaire.