La nouvelle tarification des EHPAD repose sur le passage à un financement forfaitaire des soins mais également de la dépendance. Des interrogations voire des inquiétudes se font déjà entendre sur la manière dont les conseils départementaux vont appliquer cette réforme.
Forfait global dépendance : l'équation à une inconnue
Comment se calcule le forfait global dépendance ?
Publié au Journal Officiel du 21 décembre 2016, le décret n°2016-1814 prévoit la mise en place d'un financement automatique des prestations relatives à la dépendance des résidents, appelé "forfait global relatif à la dépendance". Il complète le forfait global relatif aux soins et les tarifs journaliers relatifs à l'hébergement. Dès le 1er janvier 2017, le calcul du forfait dépendance induira une convergence tarifaire sur 7 ans, comme c'est le cas pour les soins.
Le forfait global relatif à la dépendance est composé du résultat de l'équation tarifaire sur la dépendance, calculée sur la base du GIR moyen pondéré de l'établissement et des financements complémentaires prévus par le CPOM (Contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens).
Ce forfait, à la charge du département d'implantation de l'établissement, est calculé selon une équation : le GMP de l'établissement est multiplié par sa capacité installée d'hébergement, dont est déduite la capacité prévue pour l'accueil temporaire. Ce produit est multiplié par la valeur du point GMP départemental, elle-même déterminée par le président du conseil départemental. De ce résultat est déduit le montant prévisionnel de la participation des résidents, notamment le tarif journalier afférent à la dépendance opposable aux résidents classés dans les Groupes Iso-Ressources (GIR) 5 et 6 et les tarifs journaliers afférents à la dépendance opposables aux autres départements dans lesquels certains résidents ont conservé leur domicile de secours.
Le forfait dépendance fera l'objet de financements complémentaires. Comme pour le forfait soins, une minoration pourra intervenir en fonction de l'activité réalisée et au regard de la capacité totale de l'établissement.
Quelles inquiétudes au sujet des conseils départementaux ?
Comment les conseils départementaux vont-ils se saisir de cette réforme de la tarification ? Comment vont-ils calculer leur valeur du point GMP départemental ? L'évolution de la valeur du point est difficile à anticiper et dépendra de l'engagement de chaque département dans une politique en faveur des personnes âgées. Les acteurs du secteur ont fait déjà entendre leurs inquiétudes et interrogations. Des appréhensions d'autant plus légitimes que les relations sont tendues entre l'Etat et les départements financièrement exsangues et que la réforme du domicile a déjà donné lieu à de fortes tensions sur certains territoires.
« Pour les soins, on disposait de simulations permettant de savoir quels EHPAD se situeraient au-dessus du plafond, indique Claudy Jarry, président de la FNADEPA. Pour les départements, on n'a pas de vision. La FNADEPA avait demandé des simulations quant à la nouvelle équation tarifaire pour la dépendance. A notre connaissance cette étude d'impact n'a pas été réalisée ».
Quelles interrogations autour du "point GMP départemental" ?
Chaque président de Conseil départemental fixera chaque année, par arrêté, avant le 1er avril, une valeur de référence départementale pour le point GMP de ses établissements, appelée "point GMP départemental". Cette valeur de référence est au moins égale à la somme des forfaits globaux relatifs à la dépendance, avant soustraction des participations et des tarifs journaliers, alloués l'année précédente à l'ensemble des établissements du département, rapportée à la somme de leurs points GIR.
La valeur de référence "point GMP départemental" ne peut pas être inférieure à la valeur moyenne de l'exercice précédent. Grâce à l'introduction d'un clapet anti-retour, le président duCconseil départemental peut en effet geler la valeur de référence mais il ne peut pas la diminuer. En clair, il y a une impossibilité d'évolution négative d'une année sur l'autre.
"Oui, le clapet anti-retour est une garantie mais une garantie minimale. Certains départements peuvent opter pour une évolution à 0% avec une progression de la dépendance et des niveaux de salaire en baisse", avertit Claudy Jarry, président de la FNADEPA.
"Comme le soin, la dépendance est forfaitisée, explique Didier Sapy, directeur de la FNAQPA. La question est de savoir sur quelle base elle va se forfaitiser département par département. Politiquement, un département peut fixer cette référence à la moyenne, au-dessus ou en-dessous. Tout va dépendre de ça. La Fnaqpa avait demandé au moment des travaux sur le décret de considérer la moyenne départementale actuelle, de départ, comme le plancher. Si un département veut faire des économies de bouts de chandelles, il peut dire que la moyenne départementale devient la moyenne plafond et non la référence ou le plancher. Une moyenne d'établissements risque alors de passer en convergence tarifaire sur la dépendance. C'est département par département que ça va se jouer. L'outil est une chose mais la manière de l'utiliser, en est une autre", avertit Didier Sapy.
Quelles conséquences financières pour les établissements ?
"La dépendance représente 10 à 12 % du budget d'un EHPAD. L'enjeu financier n'est pas majeur, établissement par établissement, mais quand on rabote les moyens par-ci et par-là, cela devient compliqué", souligne Didier Sapy. D'aucuns s'inquiètent déjà dans le secteur d'un risque d'iniquité entre les établissements en fonction de leur statut ou de leur convention collective. "Quand un établissement a un financement normé, quand une convention collective est plus favorable qu'une autre, on embauche moins de personnel. Avec la même enveloppe budgétaire, vous financez moins de postes", rappelle Didier Sapy.
"Dans le cas d'établissements en convergence tarifaire sur la dépendance, l'enjeu des directeurs sera d'embaucher des ASH, des ergothérapeutes, des animateurs en lieu et place des aides-soignants", augure Claudy Jarry.
"D'après une étude menée en Gironde, les établissements publics auraient une valeur de point GIR supérieure au secteur privé. Dans les départements où il y a une majorité d'établissements privés, la moyenne tirerait la valeur du point vers le bas. Au départ, il y a le clapet antiretour, mais à terme il y aura une perte pour le public", considère, pour sa part, l'Association nationale des centres hospitaliers locaux (ANCHL).